A. Le Peuple breton, une publication fondé sur le rejet du militarisme.
Classé en presse périodique régionale, Le Peuple breton couvre l’information de la Bretagne dite historique depuis 1964. Créé par des militants de l’Union Démocratique Bretonne (UDB), ce journal dépend financièrement du parti politique autonomiste aux valeurs de gauche un temps radicales. L’UDB y promeut l’autonomie politique de la Bretagne, accompagnée d’une démilitarisation de la région.
Y est décliné un discours assez radical avec comme première cible la militarisation de la Bretagne. Au cours de ce chapitre, je m’attacherai à un travail d’analyse des différents articles publiés de l’année 1964 à 1980.
Dès les premiers mois, en mai 1964, Le Peuple breton s’attaque à la situation de la presqu’île de Crozon et aux chantiers militaires de Lanvéoc. Ses rédacteurs soulignent que le chantier n'emploie que de la main d'œuvre étrangère « bon marché » et qu’il ne reste que peu d’emplois pour les travailleurs locaux. Sur le chantier de l’Île Longue, 500 ouvriers étrangers participent à la construction de la base : des Espagnols, des Portugais et des Nords-africains. De plus, le problème des reconversions après les chantiers militaires est dès lors mis en avant.
En février 1966, le mensuel fait sa une sur l’armée avec comme titre « Pour l’Armée, la Bretagne est-elle une colonie de rechange ? » En effet, après le dévoilement du projet de base à l’Île Longue et les élections présidentielles de 1965, les rédacteurs s'interrogent : la Bretagne ne serait-elle pas une région de remplacement suite à la décolonisation française d'après-guerre en cours? L’auteur de l’article présente la période gaullienne comme une période de faible contestation du pouvoir en place, mais aussi d’insouciance générale des affaires des autres tant qu’elles ne situent pas sur son propre périmètre local :
« Savez-vous qu’aux élections présidentielles du 19 décembre, 80 % des électeurs du canton de Landivisiau ont voté De Gaulle ? Et 69 % de ceux de Crozon ? Ces deux villes ont été cependant, ces dernières années, parmi les points chauds de Bretagne, parmi les endroits où l’on a critiqué le plus vivement la politique de colonisation militaire en Bretagne. Puis les journaux, ceux qu’on lit, Ouest-France et Le Télégramme, s’en mêlaient, confirmaient, infirmaient, reconfirmaient, en ménageant comme d’habitude la chèvre et le chou. Comme à Landivisiau, en 1962. Mais à Landivisiau, on s’en moque bien, au Conquet. Sauf quand même lorsqu’on apprend que Béniguet servira de terrain d’entraînement au tir pour les avions basés à Landivisiau. Tiens les deux problèmes seraient-ils liés ? Il n’y a pourtant pas eu beaucoup de Conquetois à protester contre l’implantation de la base à Landivisiau. Et quand le projet de Béniguet a été mis en sommeil, tout le monde s’est estimé satisfait.
Et à Crozon, pour l’Île.Longue ? On dit aussi que le site a été choisi comme base de sous-marins atomiques à cause de sa proximité de Landivisiau, ce qui assure la couverture aérienne. À Crozon en 1962, Landivisiau laissait tout le monde indifférent. Comme Crozon laisse maintenant indifférents Brest, ou Saint-Brieuc, ou Rennes ; comme si une implantation militaire de ce type n’intéressait pas tout un pays, n’était pas une affaire politique. »
Le problème militaire en Bretagne n’est pas un sujet incandescent. La ligne éditoriale considère les Bretons trop soumis : « On entend trop souvent dire : C’est comme ça, on n’y peut rien ! Le sous développement n’est pas seulement économique, il est aussi politique et entretenu par le gouvernement et la présence de l’armée. »
Pour entretenir le thème de « soumission » par l’armée, la Bretagne est dépeinte comme obéissante voire donc totalement soumise, cela résultant probablement de son rapport à la hiérarchie ecclésiastique. Au XXe siècle, la Bretagne est considérée comme le bastion catholique de la France. C’est donc un territoire idéal pour une installation sans contestation. Le militarisme institué est exactement le pendant du cléricalisme, qu’un titre comme Le Peuple breton conteste vigoureusement. Dans l’année 1966, en septembre, le journal fait le rapprochement entre des essais nucléaires en Polynésie, à Mururoa, et la situation de la presqu’île de Crozon.
Le Peuple breton prend même à partie le chapitre épiscopal local : « La réaction de ceux qui, dans notre pays, ont de par leurs fonctions, le plus de chance de se faire entendre, demeure singulièrement timide. Ainsi on aimerait voir le chef de la communauté bretonne, qui se trouve être le président de la branche française du mouvement catholique international pour la paix, souligner le danger que fait peser cette implantation militaire. Imitant en cela des évêques sud-américains qui surent critiquer les essais atomiques français. »
À vrai dire, la position de l’Église sur les armes nucléaires n’est pas simple à définir. Dans les années 1960, l'Église a qualifié de crime contre Dieu et contre l’homme lui-même tout emploi d’armes de destruction massive, même en cas de légitime défense. Mais si l’emploi de l’arme nucléaire a été condamné, la possession dans un but dissuasif non. La question est débattue en concile, qui en 1965, déclare une tolérance provisoire à la dissuasion nucléaire.
.À la fin des années 1960, la militarisation et la colonisation de la Bretagne ne sont plus évoquées dans Le Peuple breton : les événements de mai 1968 remplissent les pages. Toutefois, le sujet réapparaît durant l’année 1970, année où surgit la base de l’Île Longue opérationnelle. En effet la rédaction du Peuple breton s’attaque à une nouvelle cible, un potentat d'information régional, le journal Ouest-France, considéré, par les militants bretons, comme propagandiste de l’armée française.
Les titres d’articles dénonciateurs se multiplient : « La militarisation quotidienne grâce à Ouest-France », « Comment ils [les journalistes du Ouest-France] informent les Bretons », « Ouest-France : presse opium, agent de colonisation ».
Pour dénoncer la politique militaire, la rédaction du Peuple breton modifie son argumentaire. Cette-fois, la Bretagne est vouée au dépeuplement à cause de la faible industrialisation, victime de trop nombreuses zones militaires assimilées à un cancer et dont l’Île Longue serait, de ce fait, la principale métastase. La rédaction utilise ce terme médical car « il lui évoque la réalité, tant du point de vue de l’occupation géographique que des effets secondaires non apparents » des installations militaires en Bretagne.
Les rédacteurs emploient des termes forts et s'attaquent ensuite à un autre quotidien régional, Le Télégramme. En juillet 1970, les pêcheurs sont amenés par les autorités militaires à évacuer le mouillage à pied du Zorn et le chantier naval de Rostellec qui se trouve apparemment dans la zone de défense de la base de l’Île Longue en interdisant aux habitants de s’y rendre désormais, ce qui suscite une incompréhension de la population. L’amiral Rousselot déclare au Télégramme « qu’il y a eu des malentendus et il y aura des dérogations pour faciliter le travail. Mais la population doit comprendre qu’il faut des restrictions à certains usages, étant donné le caractère particulier de l’Île Longue. » Le lendemain, le journaliste du Télégramme écrit : « qu’il est évident qu’une base de l’importance de l’Île Longue doit être surveillée. Et c’est la raison pour laquelle une caserne de gendarmerie maritime a été implantée dans la commune pour assurer la sécurité de la base. Dans tous les pays, quels qu’ils soient, une base de cette importance ne peut-être ouverte au premier venu. Dans notre pays, il suffit de prendre contact, quand il y a des difficultés, avec les autorités responsables pour qu’une solution conforme au bon sens puisse intervenir. »
L’article est dénoncé dans Le Peuple breton : « Serez-vous étonnés d’apprendre que Le Télégramme tire de cette affaire et du “compromis” qui en résulte une conclusion peu en accord avec la nôtre et, ma foi, bien patriotique ? Et comment donc ! »
Durant l’année 1970, le mensuel commence à illustrer sa politique, non plus à chaque fois par des discours radicaux, mais par des illustrations dénonciatrices ou des caricatures. L’image la plus emblématique concernant la militarisation de la Bretagne, que l’on retrouve dans plusieurs livraisons du journal est celle qui fait référence à Brest comme cible atomique. Tandis que la mire vise l’Île Longue, Brest subit la propagation des retombées radioactives. Dans cette image, les rédacteurs du journal parlent aux brestois qui pour ces derniers ne se sentent pas concernés par rapport à l'Île Longue.
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En 1973, l’édition approfondit la question et entreprend des enquêtes sur les emplacements consacrés à la défense nationale en Bretagne. En janvier 1973, trois pages sont publiées sur la militarisation du Finistère et la liste des implantations militaires existantes dans le département. En octobre 1974, cinq pages sont dédiées à la militarisation, mais cette fois-ci élargies à la Bretagne toute entière. Cette même année, le journal adopte une nouvelle méthode d’information : les petits récits humoristiques sur l’armée en Bretagne.
En 1972, le FLB (Front de libération de la Bretagne) subit les premiers procès en raison des attentats commis sur les établissements étatiques en Bretagne. Par la suite, le FLB change d’orientation politique et tourne à l'extrême gauche tout en continuant à perpétrer des attentats sur tout ce qui représente le capital français. Dans les années 1970, l’UDB condamne les attentats du FLB mais trouve des excuses sur ces agissements à cause pour eux de la violence qu’exercerait le pouvoir central français : « Lors des attentats du FLB en 1968, l’UDB avait condamné l’infantilisme politique des attentats. Mais elle avait insisté sur le fait que le véritable responsable était le pouvoir gaulliste, capitaliste et centralisateur. […] Face à la confusion et au rêve, l’UDB s’efforce d’opposer la patience et la lucidité ».
Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1976, Yann-Kel Kernaleguen, membre du FLB, est tué par sa propre bombe alors qu’il s’apprêtait à commettre un attentat contre le site militaire de Ty-Vougeret en construction à Dinéault près de Châteaulin. Le camp de Ty-Vougeret est érigé pour y établir un régiment d’infanterie, chargé de la sécurité de la base de l’Île Longue. Le Peuple breton fait état de cet attentat et désapprouve l’utilisation de la violence : « L’UDB constatait avec tristesse que le drame de Dinéault confirmait l’analyse qu’elle faisait début septembre de l’utilisation de la violence : Hormis dans le sang, il n’y a pas d’avenir pour le terrorisme, actuellement, en Bretagne. Que le premier mort du terrorisme breton soit le poseur de bombe lui-même ne change rien à l’inutilité de cette mort. Yann-Kel Kernaleguen est, comme le dit le comité de défense contre les implantations militaires de Ty-Vougeret une victime de plus : “victime de l'oppression de l’Etat français qui, avec l’appui des notables locaux, impose sa politique coloniale en Bretagne. Victime de l’indifférence de certains, indifférence qui a pu le pousser à un acte irréversible. Victime de sa bombe, c'est-à-dire une conception fausse de la lutte, conception selon laquelle les attentats pourraient résoudre les problèmes de la Bretagne”.
À la violence individuelle désespérée, l’UDB préfère la mobilisation la plus large possible de tous les travailleurs bretons. [...] Que le FLB dise comment il conciliera le socialisme pour lequel il prétend se battre et le désaveu de la majorité des travailleurs de la Bretagne ! »
Jusqu’en 1979, l’UDB condamne la violence politique mais soutient les actions du FLB. En octobre 1979, lors d’un procès contre des militants du FLB, Le Peuple breton titre « FLB l’impasse », et condamne définitivement toutes ses actions. La rupture est définitive : « Faible dans son organisation, faible dans ses soutiens, faible dans son idéologie, faible en face de l’appareil policier français, victime de la justice, le FLB se condamne à la répétition de la violence qui ne peut plus intéresser les médias, sauf à devenir sanglante. »
À la fin des années 1970, puis au long des années 1980, Le Peuple breton abandonnera le discours radical. La rédaction adoptera une position moins vindicative : « Il ne s’agit pas pour nous de pratiquer un antimilitarisme toujours sommaire, mais d’évoquer les questions de fond concernant le rôle de l’armée en Bretagne ». Les titres d’articles s’assimileront dorénavant à des euphémismes : « Une militarisation accrue» ou « une cohabitation difficile ». L’acceptation de la force de frappe par la gauche à la fin des années 1970 changera la politique d’information de l’UDB qui restera certes toujours défavorables aux implantations militaires, mais ne pourra plus conspuer la politique gaulliste.
Après la victoire de la gauche en 1981, et la présence du parti socialiste dans la vie politique régionale, l’UDB subira une baisse de ses effectifs militants, captés par le Parti Socialiste. La militarisation de la Bretagne et la base de l’Île Longue ne seront plus autant des sujets prégnants de contestation.
Le nucléaire militaire fera office de mauvaise fortune quand sera déclenché un combat empreint d’une certaine gémellité, contre l’implantation du nucléaire civil à Plogoff
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B. Le combat jumeau de Plogoff
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À vol d’oiseau, une trentaine de kilomètres séparent l’Île Longue de Plogoff. Cette dernière est elle aussi confrontée à l’installation d’un emplacement nucléaire, mais cette fois-ci civil, une dizaine d'années après l’installation de la base de l’Île Longue. On essayera d'appréhender les différences de contestations entre ces deux affaires et ce qui a permis à Plogoff de gagner son conflit, à l’inverse de l’Île Longue.
En réaction au premier choc pétrolier de 1973, le gouvernement de Pierre Messmer lance le premier grand plan de programme nucléaire civil, connu sous le nom de « plan Messmer ». Le 6 mars 1974, le Premier ministre présente ainsi le plan gouvernemental sur l’énergie : « Notre grande chance, c’est l’énergie électrique d’origine nucléaire parce que nous avons une bonne expérience dans tout cela. »
À la fin de l’année 1974, la carte des sites nucléaires est publiée. Erdeven (Morbihan), Beg-ar-Fri (Guimaëc, Finistère), Tréguennec (Pays bigouden, Finistère), Plogoff (Cap-Sizun, Finistère), mais aussi Le Pellerin (Basse-Loire, Loire-Atlantique), sont les sites pré-désignés pour la construction d’une centrale nucléaire en Bretagne. Comme pour la centrale nucléaire de conception à eau lourde de Brennilis, construite en 1965 dans les Monts d’Arrée, le gouvernement mise à nouveau sur des territoires déserts économiques.
Un comité de défense se crée le 6 juin 1978, à l’initiative du maire de Plogoff, Jean-Marie Kerloc’h. Ce comité s’inspire de la lutte du Larzac (1971-1981) contre l’extension d’un camp militaire et l’expropriation de leurs terres des paysans locaux. Et c’est le site de Plogoff, en Cap Sizun, qui est retenu, d’abord en septembre 1978 par le conseil régional, puis en novembre 1978 par le Conseil général du Finistère. Le 3 juin 1979, 15.000 personnes manifestent à la bergerie de Plogoff. Comme pour le Larzac, la bergerie devient le symbole de la contestation. Durant l’année 1980, le village capiste est le théâtre de plusieurs grandes manifestations, comme celles des 24 et 25 mai 1980, où environ 100.000 personnes manifestent pendant la « Pentecôte antinucléaire ».
Donc, l’Île Longue n’aura donc pas provoqué une contestation de la même ampleur que l’a fait Plogoff. En effet, les quelques années qui séparent ces deux événements marquent un changement social important quant à la question du nucléaire en France. La modernisation de la France lors des Trente Glorieuses s’est imprégnée des notions du cadre de vie. C’est dans ce contexte qu'émergent progressivement des préoccupations écologiques. La modernité galopante crée une nouvelle ligne de débats dans l’espace public. Après mai 1968, une nouvelle génération consacrée au mouvement écologique participe au débat public, de nouveaux courants écologistes apparaissent. Des journaux écologistes naissent dans les années 1970, comme Survivre en 1970 ou La Gueule Ouverte en 1972. Mais aussi les mouvements écologistes anglo-saxons s’installent en France, comme Friends of the Earth en 1970.
L’ensemble de ces courants conduit à la présentation du premier candidat écologiste, René Dumont, aux élections présidentielles de 1974. Il est l’incarnation des personnalités issues du milieu scientifique369, avant cette transition à venir, lui, l’ingénieur agronome de soixante-dix ans. Cette candidature popularise la thématique de l’écologie. Les nouveaux militants écologistes allaient ensuite réinvestir leur nouveau savoir-faire militant dans la lutte antinucléaire. Dans cette logique, les comités antinucléaires des années 1970 ont ainsi directement emprunté leur nom aux comités d’action de mai 1968. Les comités poursuivent leur lutte et agissent dans les lieux où les citoyens sont concernés par les projets nucléaires. L’établissement d’un rapport de force a été obtenu grâce à la création d’associations formalisées juridiquement. Les CLIN (comités locaux d’information nucléaire) sont des groupes militants dispersés sur le territoire français mais qui sont en lien constant. Par exemple, en 1976, le CLIN de Porsmoguer, dans le Nord Finistère, écrit à l’association Evit buhez ar C’hap (Pour la vie du Cap) basée dans le Sud Finistère, afin de solliciter des conseils pour lutter contre le projet d’une centrale nucléaire. En 1978, avec Plogoff, les rôles sont inversés.
De plus, de nombreuses catastrophes écologiques comme le naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978 et la marée noire qui a suivi sur la côte nord de la Bretagne, ont donné du poids à l’argumentaire des écologistes. Avec l’affaire de Plogoff, une structure solide émerge, un collectif antinucléaire breton s’illustre en 1978. Les CLIN du Nord Finistère prennent l’initiative de ce collectif. Ils réunissent alors de nombreuses associations de protection de la nature, comme la Société d’Etude et Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB) du Finistère, mais aussi des partis politiques comme l’Union démocratique bretonne (UDB).
Puis les collectifs se nationalisent voire s’internationalisent. Ils commencent à se médiatiser. Nukleel? (journal breton d’information nucléaire) est un journal apparu en lien avec les actions antinucléaires de Plogoff, rédigé par le CLIN de Landerneau, déjà particulièrement actif dans la lutte contre le projet de centrale à Porsmoguer. De 1978 à 1982, 15 numéros vont être publiés. Cette publication est un lien essentiel entre les différents comités antinucléaires. Le nombre d’exemplaires distribués varie de 3000 à 5000. C’est dans une démarche de solidarité entre les mouvements écologistes et antinucléaires que des liens sont créés entre différentes contestations en France après mai 1968. Par exemple, le moment fort de la contestation de Plogoff est l’arrivée des moutons du Larzac transportés par les agriculteurs aveyronnais luttant contre l’extension militaire du camp d'entraînement. Le jumelage avec la mobilisation du Larzac donne une portée médiatique plus large à Plogoff.
À l’inverse de l’Île Longue, l'intérêt des médias nationaux contribue à faire de la mobilisation de Plogoff un problème politique national. Des représentants des oppositions politiques se rendent sur place. La lutte de Plogoff se déroule dans un contexte de forte poussée du Parti socialiste en Bretagne, déjà constatée au municipales de 1977. Le 9 avril 1981, lors d’un meeting à Brest en pleine campagne présidentielle, François Mitterrand fait la promesse de retirer le projet de Plogoff s’il est élu. Dans les jours qui suivent, le représentant du Parti socialiste répond à une lettre des comités antinucléaires de Plogoff qui était adressée aux candidats aux présidentielles. Le 23 avril 1981, il fait retour de la lettre et écrit : « Je crois au contraire que le nucléaire, question d’une importance vitale pour notre avenir, justifie pleinement l’organisation d’un vaste débat dans notre pays : enfin informés, les Français pourront se prononcer par référendum. Je me suis engagé à ne plus ouvrir de nouveau chantier de centrale nucléaire, en particulier celui de Plogoff, avant que la conclusion de ce débat ne soit connue».
Cependant, dans sa lettre adressée au comité de défense de Plogoff, François Mitterrand se prononce pour le maintien de la force de frappe et il en fait un des thèmes de sa campagne pour les présidentielles. En mai 1981, le président socialiste, fraîchement élu, renonce aux projets de Plogoff et du Larzac. Malgré sa prise de position contre les armes nucléaires en 1965, François Mitterrand décide de maintenir l’Île Longue et de continuer le développement de la base. Le parti socialiste est dorénavant partisan de la force de frappe.
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Les CLIN de Landerneau, toujours engagés dans la lutte contre la centrale nucléaire de Plogoff, rédigent, en 1981, un nouveau numéro de la série Nukleel?, cette fois-ci consacré uniquement au nucléaire militaire.
Comme jadis Le Peuple breton, les rédacteurs du Nukleel? s’attaquent à la militarisation de la Bretagne, mais dans le domaine nucléaire. Des études entreprises par le CLIN de Landerneau sur l’impact du nucléaire militaire sont publiées dans ce numéro pour en dénoncer les conséquences écologiques, économiques et humaines sur la région.
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Il paraît peu probable qu’une explosion ait lieu dans la base de l’Île Longue lors de l’assemblage des missiles à ogives nucléaires. La seule explosion envisageable serait par une attaque de l’Île Longue, celle-ci prise comme une cible. Mais, toutefois, la dissuasion nucléaire ne sert-elle pas à l’empêcher ? De plus, les rédacteurs du Nukleel? sont les premiers à dénoncer la radioactivité comme initiant de futures maladies professionnelles mais pourtant ils ne sont pas pris en compte par ceux travaillant dans la manipulation d’engins radioactifs. À l’Île Longue, il faut attendre la fin des années 1990 pour qu’un scandale éclate sur la santé du personnel à cause des nombreuses maladies repérées chez les ouvriers de la pyrotechnie de l’Île Longue. Depuis, ces derniers essaient de faire en sorte que les cancers en série qui les affectent soient reconnus comme maladie professionnelle, et que l’État reconnaisse « ses fautes ». Pourtant en 1981, les CLIN affichaient déjà ce point de vue.
Dans le journal, les opposants reprennent le slogan du comité de défense de l’Île Longue en 1965 : « Aujourd’hui la presqu’île, demain le Finistère ». Mais on peut aussi reconnaître dans le bulletin des propos tenus par l’UDB dans les premières parutions du Peuple breton : « Une région militarisée est un ghetto » ; « Vers un désert militaire » ; « Une militarisation accrue » ; « On laisse crever la Bretagne sur le plan économique ».
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Par ailleurs, Nukleel? utilise aussi des caricatures pour dénoncer l’emprise du nucléaire militaire. Figure 95 : Deux caricatures publiées dans le numéro 11 de Nukleel? La première montre l’explosion d’une bombe atomique avec comme inscription à l’intérieur du nuage « Des écoles, des crèches, des hôpitaux sont cachés dans le paysage. Cherchez-les… » Sûrement pour dénoncer le manque d’investissement dans les établissements publics par rapport au financement de la force de frappe. La deuxième caricature représente des SNLE dans une boîte de conserves de sardines avec comme inscription sur le côté « Mise en boîtes à Crozon » ; « Produce of France ». On suppose que le rédacteur veut montrer que la pêche ne sera plus possible à cause du surnombre des SNLE.
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Les opposants à la centrale de Plogoff peuvent s'enorgueillir d’un nouveau statut politique, celui de manifestants antinucléaires. L’Île Longue devient alors le lieu de rassemblement des nouvelles contestations antinucléaires post Plogoff. Dans la continuité de la lutte de Plogoff, et seize ans après les manifestations du comité de défense de l’Île Longue, une manifestation est prévue à Crozon, le 27 juin 1981, contre les extensions militaires et le nucléaire militaire. C’est la première fois qu’une manifestation est, ici, à la fois anti-militaire et antinucléaire.
C. Les manifestations anti-nucléaires jusqu’à nos jours.
1981. Non à l'extension.
La manifestation de Crozon en 1981 fait suite à différents événements survenus en presqu’île de Crozon, mais s’inscrit aussi dans la continuité de la lutte de Plogoff. Le 11 juin 1980, Le Télégramme publie un article sur les rumeurs concernant l’installation d’une seconde base de SNLE, au cap de la Chèvre : « Selon les rumeurs, la Marine Nationale n’aurait pas assez de place à l’Île Longue pour la remise en condition de ses sous-marins stratégiques si ceux-ci étaient portés à 10 comme le recommandent certains chefs militaires et le RPR (Rassemblement pour la République). La rumeur situe au Cap de la Chèvre l’emplacement qui aurait été retenu par la Marine Nationale pour aménager une seconde base. Des bruits de couloir auraient circulé à ce propos lors de la récente session du Conseil Général ».
Aussitôt, un comité de lutte contre l’extension des terrains militaires dans la presqu’île de Crozon se crée, en juillet 1980, sous la présidence de Claude Yvenat, maire socialiste de Crozon et ancien représentant du comité de défense de l’Île Longue, mais aussi de Maryse Jagot, enseignante à Crozon. À cette époque, il existe de nombreux désaccords entre la municipalité de Crozon et l’État, qui depuis la fin des années 1970 portent sur le sujet de la taxe professionnelle. Tous ces facteurs de contestation entraînent une manifestation, le 27 juin 1981, à Crozon, contre les possibles extensions militaires et le nucléaire militaire.
Environ 1.500 personnes manifestent à Crozon, des jeunes essentiellement, selon Le Télégramme. Ouest-France cite un échange entre des résidents de Crozon et Maryse Jagot : « Commentaire d’un badaud : “Qu’est ce qu’ils veulent encore, maintenant que le gouvernement a changé ?” Commentaire d’un blasé : “Y’a pas beaucoup de gens du coin. On dirait qu’ils s’en fichent” “Non” a répliqué Maryse Jagot du comité de défense, “seulement depuis le temps que les militaires sont là, on a appris à faire avec. Et je suis sûr que si les rumeurs d’extensions se précisaient, les gens manifesteraient leur ras-le-bol. 30 % de la population de la presqu’île est militaire, c’est largement suffisant”. »
Pour Annie Carval, présidente du comité de défense de Plogoff, le soutien à Crozon est un enchaînement logique à la lutte de Plogoff : « Plogoff, c’est terminé, mais pas le soutien à d’autres populations. Nous n' imposerons pas, c’est à Crozon de déterminer ce qu’il attend de Plogoff. » Durant la manifestation, une trentaine de moutons est réunie. Comme pour Plogoff, ces derniers évoquent le Larzac et représentent le symbole de solidarité entre les différents comités luttant contre les extensions militaires et le nucléaire dans toute la France. Le maire de Crozon, Claude Yvenat, et le député de Châteaulin, Jean Beaufort, tous les deux socialistes, reçoivent durant la manifestation le comité de défense et les représentants de Plogoff. Le maire précise une attitude personnelle vis-à-vis des susceptibles extension militaires : « Ces problèmes militaires nous les connaissons et devant l’implantation importante dans la presqu’île, il y a longtemps que notre décision est “non” à toute nouvelle extension. Une emprise plus importante toucherait forcément les secteurs de la pêche, de l’agriculture, du tourisme et du bâtiment ». Le député de Châteaulin, quant à lui, confirme les mêmes propos : « Je souligne mon entier accord au refus d’extension, tant dans la presqu’île que dans la région de Châteaulin. Mais les problèmes touchant l’emploi doivent être traités en priorité. »
Malgré les 1.500 personnes présentes à la manifestation de Crozon, on remarque un écart de protestation important avec Plogoff. Le lendemain, le 28 juin 1981, environ 30.000 personnes se rassemblent à Plogoff pour fêter une dernière fois la victoire des antinucléaires. Parmi les militants de Plogoff, « Non au nucléaire militaire » devient le nouveau slogan, ce qui ne manque pas de gêner certains maires socialistes, dont l’ancien maire de Plogoff, Jean-Marie Kerloc’h : « Là n’est pas la question. Mais, c’est aux gens de Crozon de prendre l’initiative dans leur lutte. Or, jusqu’à présent, là-bas, il n’y a pas eu encore beaucoup de choses. »
On observe aussi que ce sera la dernière fois que la municipalité de Crozon s’engage dans une manifestation antinucléaire et anti-militaire. Lors de sa visite à l’Île Longue, le 24 juillet 1981, François Mitterrand répond sur les rumeurs des extensions militaires dans la presqu’île de Crozon :
Le journaliste : « Monsieur le président, est-ce que ça va nécessiter une extension des installations ? »
François Mitterrand : « Non, non pas du tout. »
Le journaliste : « Vous savez l'opposition des gens de la presqu'île de Crozon à l'extension militaire ? »
François Mitterrand : « Oui, mais ils ne s'opposent à rien, puisqu'il n'y a pas d'extension prévue.Dans le cadre du périmètre militaire aucune extension n'est p révue. Cela est parfaitement possible dans le cadre actuel du périmètre déjà détenu par l'armée. Donc je peux répondre de la façon la plus claire, qu'il n'y aura aucune extension. »
1984. 'SS20 niet, Pershing no, M20 non"
En pleine crise des euromissiles, plusieurs manifestations antinucléaires et pacifiques se produisent en Europe. En France, à la fin de l’année 1981, le Comité pour le désarmement nucléaire de l’Europe (CODENE) est fondé à l’initiative de plusieurs mouvements dont le Parti socialiste unifié (PSU) pour lutter de manière non-violente contre les armes nucléaires en Europe. Il est particulièrement actif en Bretagne et organise une manifestation, le 10 juin1984, à Crozon.
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Le rassemblement a lieu côté sud de la pyrotechnie de Guenvenez, sur la route menant de Crozon à Camaret. Les inscriptions sur les banderoles clament « SS20 niet, Pershing no, M20 non » et montrent, par la même occasion, que ces pacifistes ne sont pas les mêmes que ceux du Mouvement de la paix (organisation pacifiste formée par des militants et sympathisants communistes et financée par le biais de l’URSS).
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Le Codene réclame au pouvoir de gauche « des initiatives concrètes face à l’opinion publique mondiale, en faveur de la désescalade nucléaire ». Au total, 2.000 personnes sont présentes à la manifestation, et filmées par un hélicoptère de la gendarmerie mobilisé par Charles Hernu, ministre de la Défense. Vingt autres associations participent à la manifestation et vendent des badges :
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Les manifestants refusent de voir une différence entre le nucléaire civil et militaire. Pour les antinucléaires, ce sont des activités complémentaires. Gérard Borvon, porte-parole du Codene breton, propose « le gel de l’armement nucléaire français et l’engagement réel de la France dans une politique visant à débarrasser l’Europe de l’Ouest et de l’Est des armes nucléaires. » Pour le Codene breton, l’argument de la création d’emploi dans la presqu’île de Crozon ne tient pas, car « ce dangereux voisinage empêche toute implantation de nouvelles branches d’activités. » Toutefois, la grande absente de cette manifestation est la population de Crozon elle-même.
1995. Stop Essais !
En octobre 1995, Crozon connaît sa plus grande manifestation antinucléaire, en lien avec la reprise des essais nucléaires sous la présidence de Jacques Chirac.
En mai 1994, durant la cohabitation politique, François Mitterrand avait rappelé que l’utilisation de l’arme nucléaire dépendait du président de la République, et avait justifié l’arrêt des essais en 1992 en Polynésie. Il s’était alors présenté comme celui qui avait arrêté les essais nucléaires et au moment de quitter le pouvoir, il avait envoyé un message à son successeur.
« Il se trouve que la conception que j'ai, en ma qualité de Président de la République - décideur en la matière - est celle que je vous ai exposée. Elle n'est pas faite pour choquer ou blesser ceux qui pensent autrement, notamment au sein du gouvernement, notamment au sein des autorités militaires, au sein du groupe d'ingénieurs qui nous ont apporté déjà les fruits très remarquables de leurs compétences, non pas non plus au sein de l'ensemble des parlementaires. Mais, c'est ma décision, telle que je viens de vous l'expliquer. Il n'y aura pas avant le mois de mai 1995, c'est-à-dire dans un an, il n'y aura pas d'autres essais. Eh bien, je vous dis, mesdames et messieurs : après moi, on ne le fera pas ! On ne le fera pas, sauf si les autres puissances nucléaires recommençaient leur essais, je l'ai déjà dit. On ne le fera pas parce que la France ne voudra pas offenser le monde entier en relançant le sur-armement nucléaire. Parce que la France ne voudra pas non plus être le pays qui relance la guerre atomique. Voilà une prévision. Je fais confiance à mon successeur et à mes successeurs, ils ne pourront pas faire autrement. Bien entendu, ils auraient tort de faire autrement, mais comme ils ne le pourront pas, je n'approfondirai pas la discussion».
Cependant, un mois après l’élection de Jacques Chirac, le nouveau président décide de reprendre les essais, pour ensuite entreprendre la réalisation de simulations d’essais nucléaires.
« Après mûres réflexions, larges consultations, j'ai pris la décision de reprendre les essais nucléaires pour parvenir à un niveau de technologie tel que nous pourrons ensuite simuler ces essais, comme le font déjà les États-Unis et la Russie. Cette décision est irrévocable ».
En réponse à la reprise des essais nucléaires, le Mouvement de la paix organise une manifestation antinucléaire aux abords de l’Île Longue, le 15 octobre 1995. Le rassemblement reçoit le soutien d’organisations politiques comme le PCF, à Gauche autrement, des divers gauche, l’UDB… En revanche, les partis de la majorité présidentielle, mais également le parti socialiste, ont refusé de s’associer à la manifestation. Les écologistes sont divisés sur leur participation. Les Verts appellent à s’y joindre, représentés par Dominique Voynet, tandis que Génération Ecologie refuse de manifester, car « le zéro nucléaire représente une politique irresponsable dans un monde instable peuplé d’intégristes et de petits dictateurs ». Aucun élu de la presqu’île de Crozon ne participe à cette manifestation. Le maire d’Argol, François Godoc (divers droite), a tenu à faire connaître son point de vue, partagé par l’ensemble des maires du territoire :
« Simple maire d’une petite commune rurale de 700 habitants dans la presqu’île de Crozon, je voudrais signaler à toutes les personnes qui manifesteront samedi aux environ de l’Île Longue que, en dehors de tout débat sur la “philosophie” du nucléaire, les établissements de la Marine Nationale dans la presqu’île, y compris celui de l’Île Longue, font vivre plusieurs milliers de personnes dans la région. Pour vivre au quotidien dans mes fonctions d’élu d’un petit village, non seulement les problèmes spécifiques des communes rurales, mais également les difficultés de tous ses habitants, je pense pouvoir rappeler que la Marine Nationale permet de maintenir en presqu’île de Crozon des habitants, des emplois directs ou indirects, des classes dans les écoles et collèges, des postes dans les services publics, des commerçants… Même si, au vu des sondages d’opinion plutôt antinucléaires, ce rappel va à l’encontre de l’opinion générale, un élu se doit de dire la réalité des choses et il me paraissait important d’informer les manifestants, dont je respecte tout à fait les idées, de cette réalité économique et sociale de notre secteur : sans la Marine Nationale et l’agriculture, la presqu’île de Crozon dix mois sur douze vivrait en quasi léthargie ; elle serait belle mais… vide, elle serait superbe mais… sans vie, elle serait splendide mais… presque morte. »
Le 15 octobre 1995, 10.000 manifestants, des représentants d’une cinquantaine d’associations et de quelques partis politiques, se mobilisent au Fret et devant la base de l’Île Longue. Comme pour la manifestation de 1984, aucun maire ou député de la presqu’île de Crozon et de la région de Châteaulin ne participe à la manifestation. Les maires présents dans le cortège viennent des autres territoires du Finistère ou de la Bretagne, mais sont aussi des maires et élus communistes, comme Félix Leyzour, maire de Callac ; Robert Cleuziou, maire du Huelgoat ; Emile Bargain, maire de Tréguennec ; Jean le Borgne, maire d’Hennebont ; Daniel Maloisel, adjoint au maire de Brest.
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Le slogan de l’événement est « Pour un monde sans armes, NON aux essais ». Du côté des nombreuses associations, on retrouve les prises de paroles habituelles, le seul changement étant l’internationalisation de la manifestation avec la présence de personnalités antinucléaires étrangères présentes comme l’amiral allemand, Elmar Schmailing, condisciple du prix Nobel de la Paix au sein du mouvement Pugwash, et Yoshiatsu Okaoa, président de la fédération japonaise contre les bombes A et H394.
Aucune manifestation après celle de 1995 ne fait état d’une telle mobilisation. Les suivantes ne dépassant pas le millier de participants. En 2005, l’association Greenpeace, sous la direction de Yannick Jadot, Xavier Renou et Pierrot le Guen, constitue une flottille pour agir en faveur de la préservation de la rade de Brest face à la possibilité de la voir polluée par les déchets radioactifs. Il s’agit en fait de mener une action pour attirer l’attention de la population sur les risques nucléaires. Le 15 mai 2005, une manifestation nautique quitte Brest dans la direction de la base de l’Île Longue. Une centaine d’embarcations, voiliers, planches à voiles rejoignent l’Artic Sunrise, bateau appartenant à Greenpeace. Pour l’association, c’est la commémoration des 20 ans de l’attentat contre le Rainbow Warrior, mais son objectif principal est de dénoncer la prolifération nucléaire de la France, laquelle ne se conforme pas au traité de non prolifération nucléaire entré en vigueur en 1970.
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De nos jours, les manifestations antinucléaires ne mobilisent plus autant de personnes. Chaque année, un rassemblement antinucléaire dirigé par le collectif finistérien pour l’interdiction des armes nucléaires se rassemble en haut du Menez-Hom, avec vue sur la presqu’île de Crozon, la baie de Douarnenez et Brest. Le rassemblement a pour objectif de commémorer les bombardements atomiques d’août 1945 et de sensibiliser les citoyens au danger nucléaire.
manifestation devant l'Île-Longue.
Néanmoins, l’information ne déborde pas les pages locales de la presse quotidienne régionale. Le port du Fret, proche de l’Île Longue, reçoit périodiquement quelques manifestants à chaque événement médiatisé concernant la base nucléaire, ou lors de crises internationales. Les associations antinucléaires et pacifiques n’attirent plus autant que lors du siècle précédent. À l’inverse des manifestations passées, on observe que les jeunes ne sont plus une force motrice des rassemblements. Ce constat est avéré par le mouvement Europe Écologie les Verts : « Il nous faut néanmoins prendre en compte l’émergence d’une génération qui n’a pas connu les essais nucléaires militaires ni la période de la Guerre Froide et dont la préoccupation majeure est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. »
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Voir aussi.
De la Bretagne à la Polynésie. Refuser l'arme nucléaire.
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Alors que nous luttions contre le projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff, dans la pointe du Raz, certains de ses partisans nous interpellaient : « vous luttez contre une pacifique centrale électrique, mais vous oubliez que vous avez à votre porte, à L’Île Longue, une base de sous-marins nucléaires dont les missiles sont destinés à faire des millions de morts » .
Erreur, nous n’avions pas oublié !