Il est bon de le rappeler. S'il existe un consensus au niveau des dirigeants politiques, droites et gauches confondues, concernant le maintien et le développement de la force de frappe nucléaire française, c'est loin d'être le cas au niveau de la population.
1985. Un sondage du journal Le Point.
En 1985, Raymond Marcellin, ancien ministre de l'intérieur du général de Gaulle, dans son livre "La guerre politique", titrait son chapitre consacré à la défense civile : "Une grande majorité des Français contre l'utilisation de la force de dissuasion". Il citait les réponses apportées à un sondage du journal Le Point.
"A la question : Seriez-vous partisan ou non que le président de la République emploie l'arme nucléaire française, dans le cas où la France serait sur le point d'être envahie, les réponses ont été les suivantes :
- Partisans 29%.
- Pas partisans 58%
- Ne se prononcent pas 13%
Autre question du même sondage : Par principe êtes-vous opposé ou non à l'utilisation, par le président de la République, de l'arme nucléaire :
- Opposés 72%
- pas opposés 19%
- ne se prononcent pas 9% "
Un sondage qui amenait Raymond Marcellin à plaider pour la construction d'abris anti atomiques.
1984. Un débat à l’École Supérieure de Guerre de Guerre Navale.
Le hasard de recherches à la bibliothèque de l'Académie de la Marine à Brest m'a amené à consulter le n°105 du Bulletin de L’École Supérieure de Guerre Navale. Il y était fait mention, entre autres, d'un sondage concernant la position de la population française au sujet de la dissuasion nucléaire. Je reproduis ici les notes prises. Quatre tranches de la population étaient analysées avec les qualités supposées les décrire..
15% :
- travail, effort, patrimoine, fonctionnel, quotidien,ordre, habitudes, structures, goût de l'acquis, peur du changement.
- héréditairement favorables à l'institution armée, adhésion sans nuance.
- pour l'armée de papa, acceptent la dissuasion par discipline.
15% :
- cadres jeunes (autour de 40 ans) dynamiques, performants; à100% pour l'armement moderne et l'armement nucléaire mais contre la conscription.
En déclin ces deux groupes. pour cause de conservatisme ou d'individualisme.
50% :
- qualité de vie, vie simple contre sophistication, actifs localement, délaissent la vie nationale.
- veulent armée suisse, résistante, régionale.
- militaires de métier pour le théâtre extérieur.
" "quant à la force de dissuasion nucléaire, concept abstrait et dépersonnalisé, elle suscite leur méfiance et trouble quelque peu leur fibre "écologique". (cité dans le texte)
20%:
- "en essor inquiétant", en grande majorité âgés de moins de 35 ans.
- "profitent, sans toujours en avoir les moyens, des avantages que procurent les sociétés occidentales, sans se référer à des normes ou des règles précises".
- indifférents aux structures - pas de racines - instables - évasion - absence de tradition - pas de patrie - asociaux - marginaux - refusant en bloc l'institution militaire.
- "la dissuasion nucléaire est jugée dangereuse au plan écologique et génératrice de course aux armement ; mais rien n'est proposé en échange".
En conclusion : 70% de français hostiles à la dissuasion nucléaire. Et à la relecture, une analyse de la société française qui semble ne pas avoir beaucoup évolué. "L'essor inquiétant" pouvant être aujourd'hui celui de cette partie de la population qu'un récent ministre de l'Intérieur a qualifiée "d'écoterroristes".
2018. Les Français contre le nucléaire militaire.
"Le Mouvement de la paix et La Croix ont donc demandé à l’Ifop de sonder nos concitoyens sur cette thématique. Une majorité (67 %) souhaite que la France s’engage dans la ratification du traité d’« interdiction » des armes nucléaires." (La Croix)
Les États parties au TIAN s'interdisent la mise au point, l'essai, la production, le stockage, le transfert, l'utilisation et la menace de l'utilisation d'armes nucléaires. Pour les États dotés d'armes nucléaires y adhérant, le TIAN prévoit un processus assorti d'un calendrier, conduisant à l'élimination vérifiée et irréversible de leur programme d'armes nucléaires. Une large majorité des françaises et des français demande donc, qu'à terme, la France renonce à son armement nucléaire.