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25 septembre 1978, 15000 morts au centre de la ville de Brest.

 

L’image est le moment fort de la première manifestation massive contre le nucléaire en Bretagne. Ce "dead-in" inspiré des démonstrations pacifiques des opposants américains à la guerre du Vietnam, est devenu ici un "maro mig". L’expression bretonne a été forgée pour l’occasion. Ces corps allongés symbolisent les morts d’un futur accident nucléaire.

Sur les marches de la mairie, au milieu d’une forêt de banderoles, une voix, rebondissant en échos d’un bord à l’autre de la place, lit le message d’alerte du plan Orsec-rad. Ce texte est la traduction française du plan mis en place par les autorités allemandes pour les populations voisines de la centrale française de Fessenheim, sur le Rhin. Il est supposé être diffusé, jusqu’au moindre hameau, par voitures équipées de haut-parleurs, en cas d’accident sur la centrale nucléaire.

Les manifestants ont répondu à l’appel des CLIN (comités locaux d’information nucléaire) de Ploumoguer, Landerneau et Brest qui, depuis deux ans, organisent la lutte contre un projet de centrale nucléaire à Ploumoguer dans le Nord-Finistère.

L’histoire de cette "centrale baladeuse" commence en septembre 1975. Le jour où le Conseil Régional de Bretagne se prononce en faveur de l’implantation d’une centrale nucléaire quelque part en Bretagne. Le projet, présenté par EDF, est de 4 tranches de 1300 mégawatts en site côtier. Cinq sites sont proposés : Beg-an-Fry, près de Lannion, Ploumoguer, près du Conquet, Plogoff à la pointe du raz, Tréguennec en baie d’Audierne et Erdeven dans le Morbihan.

Dès 1976, des travaux d’approches sont effectués. Ils provoquent une mobilisation radicale à Erdeven et, déjà, les premières barricades de Plogoff.

La pression est finalement mise sur Ploumoguer. Commencent alors deux ans d’une guérilla qui, en cet automne de 1978, va bientôt devoir affronter une nouvelle offensive : le 12 septembre, le Conseil Economique et Social de Bretagne doit se réunir pour proposer le lieu définitif de l’installation. Ce vote sera suivi de ceux du Conseil Régional de Bretagne et du Conseil Général du Finistère.

Pour ne pas être pris au dépourvu, les CLIN ont décidé d’appeler à une manifestation massive à Brest. Ils espèrent 10 000 manifestants, ils seront 15 000 !

Cependant le rassemblement a changé de nature. Impressionnés par la résistance de Ploumoguer, les pouvoirs publics décident de jouer une nouvelle carte : Ploumoguer bouge de trop, ce sera Plogoff !

C’est donc un cortège précédé de la banderole "Plogoff-Ploumoguer même combat" qui s’étire le long des rues brestoises.

En tête, une délégation de Plogoff menée par son maire, Jean Marie Kerloc’h, qui deviendra l’un des personnages centraux de cette aventure. A ses côtés ceux de Ploumoguer accompagnés par une délégation du Pellerin, près de Nantes, déjà bien avancée dans une lutte efficace. Les agriculteurs, les marins-pêcheurs, les associations de consommateurs, les syndicats, les partis de gauche... tous ont répondu présent.

Le passage de témoin se fait dans la bonne humeur sous un soleil d’automne à la douceur printanière. Après le représentant nord-finistérien qui rappelle que : "habitants de Ploumoguer, de Plogoff ou d’ailleurs, nous sommes tous menacés", le maire de Plogoff invite chacun à rejoindre le combat de sa commune :

"Il faut que nos enfants puissent vivre dans ce pays. Qu’ils n’aient pas l’occasion de nous reprocher, un jour, de n’avoir rien fait".

Les deux ans de lutte contre la centrale de Ploumoguer ne seront pas perdus. Pendant ces deux années se sont rôdés, localement, des modes d’action parfois inspirés des nouvelles formes de luttes qui ont fleuri ailleurs : les LIP à Besançon, le Larzac. Deux ans de fêtes et de rencontres amicales. Deux ans ponctués, aussi, de moments dramatiques : la répression de la manifestation de Malville, la marée noire de l’Amoco Cadiz.

Les luttes de Ploumoguer et Plogoff sont indissociables. Nous allons en suivre les étapes essentielles, depuis les premières affiches sur les murs de Ploumoguer jusqu’à la victoire de Plogoff. Nous en décrirons les acteurs, l’ambiance, les objectifs.

Nous en montrerons l’actualité à un moment où nous ne pouvons plus ignorer les morts de Tchernobyl et où se pose, à nouveau, la question de la relance du programme électronucléaire français. Au moment, aussi, où la dissémination nucléaire ajoute une dimension supplémentaire à l’angoisse de ce monde livré aux terrorismes, qu’ils soient celui de groupes diffus ou celui d’états organisés.

 

extrait de :

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