Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Novembre 2023. Les "Soulèvements de la Terre" peuvent célébrer une victoire : le rejet du décret "Macron-Darmanin" qui portait sur leur dissolution.

Février 1980. C'était déjà un "soulèvement" de tout le milieu associatif breton qui se rassemblait pour mettre en échec le projet de centrale nucléaire à Plogoff.

 

Article extrait de "Plogoff, un combat pour demain".

 

Au moment où l’enquête publique va démarrer à Plogoff, jetons un coup d’œil sur les acteurs de la pièce. Au centre, le comité de défense de Plogoff et le conseil municipal. Autour, les Clin et Comités Plogoff mais aussi les associations de protection de l’environnement, les associations de consommateurs ainsi que la multitude de tous ceux qui, pour des raisons diverses, ont mis leur énergie au service de ce combat. En face, la machine politique et administrative, la préfecture, les forces de l’ordre.

Les Clin.

A juste titre, la publicité faite autour des longues journées de résistance de Plogoff a mis sur le devant de la scène la population de Plogoff, son comité de défense, son maire et son conseil municipal. Le rôle des Clin a été moins visible. C’était leur choix. Ils ont pourtant été un des facteurs essentiels du succès.

Qui sont-ils ? Nous en avons montré la création avec le CRIN de Erdeven, les premiers CRIN de Cornouaille puis les Clin de Ploumoguer, Brest et Landerneau. Ils sont bientôt 70 à 80 comités qui couvrent toute la Bretagne. Chacun regroupe de 10 à 50 militants mobilisables à tout instant.

Leur première caractéristique est la jeunesse de leurs adhérents.

Les plus âgés ont autour de trente ans. Ils avaient entre 20 et 25 ans dans les années 68. Ils ont l’expérience des manifestations improvisées, des occupations d’usines et de bâtiments administratifs, des distributions de tracts, des collages d’affiches organisés dans l’urgence. Ils ont accompagné, en pensée et en actes, les travailleurs de LIP reprenant en main leur destin. Ils ont résisté à la militarisation avec les paysans du Larzac. Paysans, ils se sentent avant tout des travailleurs de la terre. Jeunes travailleurs et militants syndicalistes, ils ont secoué les vieilles routines des actions catégorielles et retrouvé la tradition des luttes anti-hiérarchiques. Ils attendent encore le second souffle de la fête qui, en 68, leur a embrasé l’imagination. Ils ont un métier, parfois de jeunes enfants. A 35 ans, ils apparaissent déjà comme les « vieux » du mouvement.

Les plus nombreux sont encore étudiants ou affrontent leurs premières années de "vie active". Ils se sont rôdés au hasard des mouvements lycéens qui, depuis 10 ans, entretiennent une agitation constructive. Ils ont connu des moments forts comme ceux de la lutte contre les "lois Debré" qui les ont vus défiler avec un entonnoir retourné sur la tête. Les plus jeunes sont encore lycéens. La catastrophe de l’Amoco Cadiz et les comités anti-marée noire ont été leur porte d’entrée dans la mobilisation antinucléaire.

Les Clin se sont organisés sur un mode « libertaire ». Ils ne sont pas déclarés en préfecture. En leur sein pas de conseil d’administration, pas de président, même pas de porte-parole. Tout se décide en assemblée générale. Les fonctions pratiques, secrétaire, trésorier, sont tournantes. Le même esprit structure la coordination régionale des comités : le secrétariat est confié à un groupe local renouvelé chaque année. Quand Plogoff est venu remplacer Ploumoguer en tête du palmarès des sites nucléaires, le Clin de Ploumoguer, riche de son expérience, s’est vu confier ce premier secrétariat régional. Quand l’enquête publique est venue concentrer la mobilisation sur Plogoff, le Clin de Plozévet, dans le Sud-Finistère a pris le relais. Cette organisation large, bien structurée, fonctionnant au consensus vivra sans heurt pendant toute la durée de la lutte. Son absence de représentation " officielle " sera un élément d’efficacité. Personne sur qui faire pression, personne avec qui négocier un compromis " politiquement raisonnable ". Pas de longs et inutiles débats pour dégager une " ligne politique ". Une seule volonté : s’opposer à la centrale. Une méthode : s’informer et informer.

Informez vous !

Une affiche de Alain Le Quernec, affichiste quimpérois, figure dans les collections de plusieurs musées d’art moderne (voir). En gros plan, le visage d’un homme. Le flash qui l’éclaire suggère qu’il est déjà trop tard. En dessous, en bandeau, le même personnage dans l’attitude connue des trois singes de la tradition asiatique. L’un a les mains sur les oreilles, l’autre sur les yeux, le dernier sur la bouche. Surtout, ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire.

Le message au sommet de l’affiche n’est pas un slogan. Il invite à refuser la fatalité, à écouter, à regarder, à parler :

"Nucléaire, Informez vous !".

La popularité des Clin devra beaucoup à ce choix d’informer et d’abord de se former.

Un premier manifeste des Clin de Bretagne est rédigé à Ploumoguer en décembre 1975. Il résume la philosophie du mouvement en une seule phrase : nous sommes tous des experts !

- Nous sommes tous des experts scientifiques. Nous irons rechercher l’information là où elle se trouve et la diffuserons à tous.
- Nous sommes tous des experts politiques. Nous allons choisir nous-mêmes la façon dont nous voulons vivre.

La Bretagne est l’une des dernières régions à avoir subi la convoitise de EDF. Ailleurs, des comités ont déjà fonctionné, des réseaux d’informations se sont mis en place. Les Clin sauront utiliser cette expérience.

L’expérience des réseaux scientifiques d’abord. Celui, par exemple, du GSIEN (Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire). L’initiative est venue de scientifiques de l’université de Paris-XI (centre d’Orsay). Inquiets du contenu du programme électronucléaire décidé en 1974, ils sont particulièrement révoltés par le contenu contestable du rapport expédié par le ministre d’Ornano à tous les élus locaux concernés par des projets de centrale. Ils décident donc de publier une plaquette sur les "risques et dangers du programme électronucléaire" qui tentera de rétablir l’équilibre. Ce premier document sera une mine pour les militants, il sera suivi d’une publication périodique, la "gazette du nucléaire" et d’un livre publié aux éditions du Seuil, "électronucléaire-danger". Les tables de presse des Clin en diffuseront des centaines. Leurs auteurs seront régulièrement invités.

L’expérience des réseaux syndicaux est également d’une aide précieuse. Les syndicats de l’énergie CFDT, en particulier. Présents au cœur du système, ils fournissent une information puisée à la source. L’ouvrage qu’ils publient en 1975, "L’électronucléaire en France", sera dans la bibliothèque de chaque militant.

L’expérience des réseaux militants est la plus précieuse. A Fessenheim, à Malville, à la Hague, des groupes ont déjà déblayé le terrain. Leurs revues, leurs modes d’actions peuvent être exploités.

Au fur et à mesure des compétences s’affirment. Un Clin du Nord Finistère, par exemple, a décidé d’inviter ses concitoyens à de véritables "cours du soir". Une conférence, cela s’oublie. Les participants sont priés de venir avec leurs questions mais aussi avec leurs cahiers et leurs crayons pour prendre des notes (voir). Cinq dates :

Jeudi 8 mars 79 : Quels sont les différents types de centrale nucléaire ? Quelles pollutions produisent-elles en fonctionnement normal ? Quels sont les accidents possibles ?
Jeudi 15 mars : Les déchets radioactifs. Le problème du retraitement (La Hague).
Jeudi 22 mars : Les lignes à haute tension. Leur impact sur l’activité économique. Leur impact sur la santé.
Jeudi 29 mars : Les énergies nouvelles, renouvelables et non-polluantes. Leur avenir.
Jeudi 5 avril : Le nucléaire militaire.

Les séances commencées à 18heures durent une heure et demie. Les exposés "laisseront la majeure partie du temps aux questions et aux échanges", précise l’article d’invitation. Et surtout, "aucune connaissance préalable n’est nécessaire" ajoute-t-il.

Et cela marche. Du lycéen au retraité, 40 à 50 personnes participent au cycle de cinq cours.

La pratique se répand et les "formateurs" improvisés tournent de commune en commune. Sentiment étrange, après avoir affronté les chemins brumeux des Monts d’Arrée, de Cornouaille ou du Léon, que d’ouvrir la porte du seul local resté éclairé dans le bourg pour recevoir l’accueil chaleureux d’une cinquantaine de personnes venues en voisins pour une "veillée" de nature très particulière.

La parole partagée.

Parfois, dans les réunions, l’information vient de la salle.

C’est par exemple le témoignage d’un médecin. Un de ses patients, embarqué sur un sous-marin nucléaire, a subi une irradiation accidentelle. Hospitalisé dans un centre de "convalescence" de la marine il n’en est pas revenu. Sa veuve n’a jamais pu avoir communication de son dossier. Secret militaire.

C’est, encore, un artisan électricien qui a longtemps servi au CEA, version militaire. Il témoigne, en 1978, avoir participé à l’expérimentation d’obus à forte pénétration dont la tête était constituée d’uranium 238 "appauvri". Le choc contre les cibles fait fondre l’uranium qui s’enflamme. L’oxyde d’uranium obtenu est ramassé "à la petite cuiller" par des appelés mal informés tandis que le sol n’est parfois recouvert que d’un simple jet de goudron pour fixer les particules. Il ne supportait plus les risques, il a quitté l’armée.
Nous écoutons. Le propos semble sincère, le témoin très compétent en matière de nucléaire, mais il nous est difficile d’imaginer une telle irresponsabilité.

Pourtant... 1991, première guerre du golfe. On découvre que de nombreux soldats anglais et américains de retour dans leurs foyers sont victimes d’une étrange maladie. On note, en particulier un nombre élevé de cancers. Fortement soupçonnés : les obus perforants à tête d’uranium 238.

L’Uranium 238, encore appelé "uranium appauvri", est un sous produit de l’industrie nucléaire. On sait que l’uranium "naturel" est pour l’essentiel de l’uranium 238 contenant 0,7% d’uranium 235. C’est cet uranium 235, susceptible de donner des réactions explosives, qui est utile à la fabrication d’armes ou de cœurs de centrales. Il faut donc "écrémer" l’uranium pour obtenir un produit plus riche en isotope 235. Le "déchet" de cet enrichissement est de l’uranium qui ne contient plus que 0,3% d’isotope 235. Des milliers de tonnes de ce produit encombrent les sites nucléaires. Qu’en faire ?

On l’a d’abord utilisé comme lest. Les ouvriers de l’arsenal de Brest qui ont travaillé sur le "Penn Duick" de Tabarly s’en souviennent : ils devaient porter un dosimètre car la quille du bateau était constituée d’uranium 238. Sa forte densité lui vaut également la fonction de lest pour équilibrer les ailes d’avions de ligne. Le problème est que ce corps s’enflamme vite. Quand un Boeing de la compagnie El Al s’est écrasé sur une banlieue d’Amsterdam, les responsables de la compagnie ont reconnu que l’appareil portait 390 kg d’uranium appauvri dont 150 kg ont été vaporisés dans l’incendie qui a suivi, contaminant les quartiers voisins. A la suite de ce crash, 850 habitants du quartier où le Boeing s’est écrasé ont dû être traités pour des "maladies inhabituelles". (Bruno Barillot - Uranium appauvri - un dossier explosif. Golias. 2001).

Mais l’uranium 238 est aussi un métal très résistant qui a, de plus, la propriété de s’enflammer après l’impact. D’où l’idée de l’utiliser comme "pénétrateur" dans les obus incendiaires antichars. Pendant la première guerre du golfe on estime que 940 000 cartouches de 30mm en uranium appauvri ont été tirées par les avions A-10 américains et 14 000 munitions de 105 et 120mm tirées par les chars. Au total 300 tonnes d’uranium ont ainsi été répandues dans le désert irakien. (sources : Bruno Barillot)

Le phénomène s’est reproduit en Bosnie et au Kosovo où 40 000 projectiles à l’uranium appauvri ont été tirés par l’aviation américaine. Naturellement, les militaires au sol n’ont pas été informés des dangers qu’ils couraient à s’approcher des points d’impacts et, encore moins, la population civile.

L’uranium 238, en plus d’être radioactif, est comme beaucoup de métaux lourds, un poison violent. Ces guerres "chirurgicales" étaient, en réalité, des guerres "sales" dont les premiers effets ont été constatés sur les soldats et qui empoisonneront pendant longtemps les populations "libérées".

Retour en 1978. Autre témoignage, celui d’un jeune ouvrier chauffagiste. Ayant devancé l’appel au service militaire afin de "voir du pays", il est envoyé sur les îles de Polynésie. Un essai nucléaire mal dosé ravage l’atoll de Fangataufa, il y est déposé avec une équipe de jeunes militaires pour tracer une piste d’atterrissage. Il se souvient de la poussière soulevée par les bulldozers et de la chaleur qui les obligeait à rester en short et chemisette. Il se souvient surtout de l’arrivée du premier avion et du débarquement des "spécialistes", en combinaison blanche et masque à gaz, bardés d’appareils de mesure. Rapatrié, il a été démobilisé sans examen ni dossier médical.

16 novembre 2002 : une réunion dans la commune de "La Martyre" dans le Nord-Finistère. L’association des "vétérans des essais nucléaires" qui s’est créée l’année précédente, plus de trente ans après les essais, recueille des témoignages (voir). Devant la caméra qui l’enregistre, Jean-Henry Bouffard, retraité de la marine se souvient :

" La pire des bombes a été Canopus, dans l’atoll polynésien de Fangatoffa en 1968. 400 fois Hiroshima... Les poissons et les cocotiers ont tous grillé. La piste d’atterrissage a fondu. A 10 km, j’ai filmé le champignon. En short et en sandalettes. Au moment de l’explosion on tournait juste le dos pendant 10 secondes."
Et les témoignages se succèdent dans la salle où ont pris place plus de 200 vétérans ou leurs veuves. A la tribune l’amiral Sanguinetti sait de quoi il parle : il y était. A ses côtés, Simone de Bollardière, épouse du général de Bollardière militant actif contre les essais nucléaires en Polynésie.
Les vétérans se battent d’abord pour ne pas mourir dans l’indifférence. Aujourd’hui les cancers les rattrapent. Ils espèrent beaucoup du projet de loi déposé par Marie-Hélène Aubert, députée verte, afin que l’état français exprime un message fort " vis à vis de tous ceux et celles qui ont eu à subir des séquelles sur leur santé et celle de leurs descendants du seul fait de leur participation aux expériences nucléaires de la France".

Les associations s’engagent.

Peu après la création de leur comité, les militants d’un Clin du Nord Finistère ont la surprise d’être contactés par le représentant local de "L’Association Pour la Protection des Salmonidés en Bretagne" (APPSB)

Nucléaire et saumon même combat ?

Il apporte avec lui, en plus d’un montage de diapositives illustrant les premiers méfaits de l’agriculture industrielle en Bretagne, une réflexion déjà avancée sur les méfaits du "productivisme" (voir). Les questions que se pose l’association vont "bien au-delà de la simple réflexion sur le poisson". C’est tout un mode de vie qu’il faut remettre en cause. Une société avide de profit à court terme, "une technocratie qui n’a foi que dans la technique aveugle, assurée qu’indéfiniment elle apportera des solutions aux erreurs qu’elle ne cesse d’accumuler, n’est plus acceptable" déclare son représentant.

Paradoxal : des "pêcheurs à la ligne" sont parmi les premiers à faire une analyse politique clairvoyante du monde qui s’annonce. Parmi les premiers à comprendre que le mépris de l’environnement traduit un mépris de l’homme. Une philosophie résumée dans leur slogan :

"Quand le poisson meurt, l’homme est menacé".

Devenue depuis "Eau et Rivières de Bretagne", l’association est aujourd’hui incontournable pour tout ce qui concerne les problèmes de pollution de l’eau, des sols et de l’air. En 1976, il lui fallait une bonne dose de courage intellectuel pour s’engager dans la lutte antinucléaire. Dans un article du 4 octobre 1978, son président et membre fondateur, Jean-Claude Pierre explique ce choix :

" Toujours plus. Voilà le maître mot et notre soif d’énergie n’est en fait que la conséquence d’une boulimie généralisée qui traduit peut-être quelque secrète angoisse...
Des biens de consommation sans cesse plus nombreux, et plus sophistiqués, des performances technologiques accrues, mais pendant le même temps de moins en moins d’air pur, d’eau pure, de silence : le gaspillage érigé en système...
Aujourd’hui nous sommes mis en échec par le lisier et les nitrates et demain nous maîtriserions le plutonium ?" ( cité dans "Les Rivières m’ont dit" - Jean Claude Pierre -)

Juste retour des choses, les Clin participeront aux débroussaillages de rivières organisées par l’APPSB. Ainsi celui de juillet 1977 sur l’Elorn. Il s’agit de nettoyer 2,5km de rivière qui étouffent sous la végétation. Les riverains ne coupent plus les arbres des rives. Hier bois de chauffage, ils sont, aujourd’hui, sans valeur. La lumière ne pénètre plus jusqu’à l’eau. La rivière meurt. Tout cela, les centaines de militants arrivés en renfort l’apprendront sur le terrain de la bouche de pêcheurs chevronnés qu’ils n’imaginaient pas avoir, un jour, l’occasion de côtoyer. Plusieurs de ces militants, venus à l’écologie par le nucléaire, comprendront la multiplicité des combats pour l’environnement et rejoindront, en retour, l’association.

Le 13 février 1979, une bouffée d’air pur enrichit la presse périodique bretonne. Un nouveau mensuel est né : "Oxygène"

A l’origine, une poignée de jeunes militants de la SEPNB. Si l’APPSB s’est déjà taillée une belle réputation, elle la partage avec la SEPNB (Société Pour l’Etude et la Protection de la Nature en Bretagne). L’association a été créée par des universitaires soucieux de s’opposer à la destruction accélérée des milieux naturels. Ils seront les premiers à faire vivre la notion, encore obscure, "d’écologie". Leur compétence reconnue leur permet d’obtenir la création de "réserves naturelles" qui seront autant de pôles de résistance à partir desquels ils pourront tenter la reconquête de l’espace habité. L’association dispose déjà d’une revue trimestrielle "Penn-ar-Bed" (Bout du monde) qui fait le lien entre ses 3000 adhérents. "Oxygène" sera ouvert à toutes les associations amies et à tous ceux qui souhaiteront se rassembler "à ce nouveau carrefour des luttes écologiques (pollution, urbanisation sauvage)". Ce sera un journal de combat, "un combat qu’il convient de mener quotidiennement, simplement par souci de dignité humaine..." Et l’éditorial précise : "Nous ne cautionnerons pas plus des choix énergétiques (nucléaire) qui hypothèquent notre avenir de nantis, que le gaspillage des richesses du tiers monde ou les politiques productivistes.". Ce sera aussi un journal "comme un autre", mis en forme de façon professionnelle, proche de l’actualité, avec des rubriques régulières, bien illustrées (l’humour de Nono, Yffic, Goutal et des autres dessinateurs bretons sera mis à contribution). Avec les Clin, le courant passera et la connivence sera permanente. Dans l’éditorial du numéro spécial consacré à l’enquête publique à Plogoff, Yves Le Gal, directeur du centre d’études marines de Concarneau et directeur de la publication, restitue au combat de Plogoff sa véritable dimension :

"Ce n’est pas en prolongeant l’agonie de systèmes de production et de consommation complètement dépassés que l’on abordera, avec tous les atouts, le XXIéme siècle. Aujourd’hui, beaucoup de bretons ont compris ce que commencent à deviner quelques technocrates introduits aux meilleures écoles, que la formidable poussée de la croissance, vécue au cours des vingt dernières années était... un accident de l’histoire".

Propos tenus en 1980... On ne parlait encore ni d’effet de serre, ni de développement durable.

Coordination des Clin, APPSB (devenue "Eau et Rivières de Bretagne"), SEPNB (devenue "Bretagne Vivante") constituent déjà un beau trépied. Les associations de consommateurs viennent également en renfort.

La CSCV (confédération syndicale du cadre de vie) et la CSF (confédération syndicale des familles) savent à quel point le chauffage "tout-électrique" lié au programme nucléaire, est ruineux pour les familles modestes. Elles savent aussi que la destruction de l’environnement naturel atteint en premier lieu ces familles. La plage, la pêche à pied, les sports nautiques, sont les premiers loisirs de ceux qui n’ont pas les moyens de rejoindre les paradis ensoleillés. Associations d’éducation populaire rodées à la démocratie de proximité, elles sont révoltées par le mépris affiché pour les habitants concernés par les projets de centrale. Leur place est tout naturellement aux côtés de Ploumoguer puis de Plogoff.

C’est un "front syndical" d’un genre nouveau qui se forme. Un "front citoyen" qui réussit à s’extraire des problèmes catégoriels pour défendre l’intérêt général. Un "front convivial" qui oublie toute concurrence entre associations pour s’enrichir par l’action commune.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :