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Alors que le pouvoir Russe nous montre à quel point les armes nucléaires sont une menace permanente pour l'ensemble de la Planète, il est nécessaire de rappeler l’appel que nous adressaient Stéphane Hessel et Albert Jacquard dans le court ouvrage qu’ils ont publié en 2012 sous le titre :
"Exigez de vos gouvernements un désarmement nucléaire total".
Après de multiples étapes de négociation, le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) a été ratifiée en 1970 par les trois puissances nucléaires du moment (États-Unis, Royaume-Uni et URSS) ainsi que par quarante autres états signataires. Son article VI annonce clairement son objectif : "chacune des parties du traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire à une date approchée". Un traité auquel la France a adhéré en 1992. Qui mieux qu’eux a mis en lumière le non-respect par les états signataires, et en premier lieu la France, de leurs engagements en matière de désarmement nucléaire.
Désarmement nucléaire "à une date approchée" ? Un demi siècle plus tard avons nous vu des progrès ? Le traité n’a été qu’un leurre, constatent les deux auteurs, car fondé sur une base "d’une part, injuste et, d’autre part, perverse".
Injuste. Quelle justice y a-t-il, de la part des états détenteurs d’armes nucléaires, de demander aux autres pays d’y renoncer quand ses détenteurs la présentent comme l’indispensable garantie de leur sécurité. Avec l'intervention des Russes en Ukraine mais également avec celle des pays détenteurs de l'arme nucléaire (USA, France, Angleterre) sur d'autres récents champs de bataille, la preuve est faite que les détenteurs de cet arme peuvent se permettre toute agression contre un pays qui ne la possède pas. Et ceci sans risque de réaction des autres puissances nucléaires qui auraient tout à craindre d'un conflit nucléaire généralisé avec la puissance en question.
Comment ne pas comprendre alors que les pays non-nucléaires n'aient qu'un objectif : celui de disposer de l'arme nucléaire. Et ceci d'autant plus qu'en leur vendant du nucléaire "civil" on leur donne le moyen d'y parvenir.
Perverse. En effet, le TNP prévoit, en contrepartie de leur renoncement, d’aider les pays signataires à développer chez eux le nucléaire "civil". En réalité, la proposition est une excellente opportunité pour les pays nucléarisés d’ouvrir des marchés lucratifs à leur propre industrie nucléaire. Ce faisant peuvent-ils faire mine d’ignorer que le nucléaire "civil" est la voie vers le "militaire". C’est ainsi que l’Inde, le Pakistan, Israël, la Corée de Nord ont développé leur propre "force de frappe" nucléaire, rendant de ce fait le monde encore plus dangereux.
Alors, "exiger" de nos gouvernements un désarmement nucléaire total ? Que pouvons nous exiger de présidents de la république française dont le premier geste après leur élection est de venir se faire adouber à l’Île-Longue dans la presqu’île de Crozon. Chacun y soigne le scénario de son nouveau sacre. Tenue militaire imposée pour tous. Photographie au poste de commandement d’un sous-marin pour l’un, abordage par la mer pour un autre, ou encore accroché au filin d’un hélicoptère comme un appât au dessus du monstre marin qui va l’engloutir. Qu’exiger par ailleurs de la plupart de ceux et celles qui leur disputent le pouvoir et qui font bien savoir, même certains radicalement positionnés à gauche, qu’ils ne toucheront surtout pas à l’arme nucléaire. Il est bien éloigné le temps où, dans le programme de gouvernement du parti socialiste présenté en 1972 par François Mitterrand, on lisait : "Dès son accession au pouvoir, le gouvernement de gauche devra prendre la décision d'interrompre la construction de la force de frappe". Oubliée la déclaration de Georges Marchais en 1973 dans son "Défi Démocratique". "En vérité, la force de frappe nucléaire est dangereuse, inutile, ruineuse pour le pays".
Face à l’inaction des "politiques", ce sont donc des organisations "non gouvernementales" qui se sont regroupées en 2007 dans une "Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN)". Loin d’être utopique, leur action, qui a été reconnue par un prix Nobel de la paix en 2017, est à l’origine de l’adoption par 122 pays, en juillet 2017, d’un traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Après sa ratification par 50 pays, le traité est entré en vigueur le 22 janvier 2021.
Son premier article résume à lui seul l’esprit du traité. "Chaque État partie s’engage à ne jamais, en aucune circonstance [.] mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires".
Réaction des puissances nucléaires ? On ne signe pas ! L’ONU ? On lui demande sa caution pour nos opérations de guerre menées sur les théâtres extérieurs mais pas touche à notre force de frappe !
Le gouvernement français affiche sa réponse sur le site du ministère des affaires étrangères : La France ne signera pas "un texte inadapté au contexte sécuritaire international marqué par la résurgence des menaces d’emploi de la force, le réarmement nucléaire russe, les tensions régionales et les crises de prolifération". Et d’ailleurs, ose ajouter le communiqué, le TIAN "ne servira donc pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera".
Et le gouvernement français de s’abriter derrière ce TNP que la France a signé et qui l’engage "à cheminer vers un désarmement nucléaire général et complet.". Un"cheminement" vers le désarmement qui l’amène en toute logique à perfectionner sans cesse son arsenal nucléaire !
Qui peut encore affirmer que l’arme nucléaire puisse être une réponse aux conflits qui agitent la Planète. La guerre en Ukraine nous prouve le contraire. Quant à ceux et celles qui entretiennent le mythe d’une France qui tiendrait son prestige de la détention de l’arme fatale nous devons opposer la vision d’un peuple français capable de retrouver le message humaniste qui a été le sien dans de nombreuses périodes de son histoire.
Le seul message à adresser à nos gouvernants ne peut être que : prenez l’engagement de signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires ratifié par l’ONU. C'est à dire clairement déclarer, suivant les termes du traité, que la France s'engage à cesser de "mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires".
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3 mars 2022 : Poutine menace de l'usage de l'arme nucléaire. Qui peut encore prétendre que la force de frappe dissuade des guerres . Bien au contraire :
La "dissuasion" nucléaire, arme des agresseurs.