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Juin 1981. Mitterrand a été élu président en mai, Plogoff et le Larzac ont gagné leur combat mais les antinucléaires se souviennent de l’Île Longue. En effet, dans la lettre qu'il avait adressée au comité de défense de Plogoff, François Mitterrand se prononçait clairement pour le maintien de la force de frappe. Oubliée sa déclaration de 1965 au moment du choix de l’Île Longue. « Ce sont là des dépenses somptuaires. Elles ne peuvent assurer la sécurité de la France, bien au contraire. Elles la désignent plutôt comme une cible », affirmait-il alors.
 

 

La « force de frappe » avait d'abord été l’affaire de la droite. Être de gauche c'était clairement être contre la bombe. Dans le programme de gouvernement du parti socialiste présenté en 1972 par François Mitterrand sous le titre « Changer la vie », on lisait : « Dès son accession au pouvoir, le gouvernement de gauche devra prendre la décision d'interrompre la construction de la force de frappe (souligné dans le texte). Cela se traduira immédiatement par l'arrêt des expériences nucléaires et l'adhésion de la France aux traités d'interdiction des explosions nucléaires et de non dissémination des armements nucléaires ». Le programme commun de gouvernement signé avec le parti communiste était tout aussi explicite. « Renoncement à la force de frappe nucléaire stratégique sous quelque forme que ce soit ; arrêt immédiat de la fabrication de la force de frappe française ». En 1973 Georges Marchais enfonçait le clou dans son « Défi Démocratique ». « En vérité, la force de frappe nucléaire est dangereuse, inutile, ruineuse pour le pays » écrivait-il, avec entre autres arguments son inefficacité face aux moyens d'attaque et de protection dont disposent les grandes puissances nucléaires, à savoir l'URSS et les USA. « Enfin et surtout », ajoutait-il, « la valeur de dissuasion de cette menace est nulle, car l'utilisation de l'arme nucléaire provoquerait aussitôt une riposte qui aboutirait à la destruction de la France étant donné l'exiguïté relative de notre territoire et la densité de la population ». Comment ne pas approuver ces différentes positions. Oui, être de gauche c'était alors refuser la course aux armements nucléaires et être, en ce sens, fidèle aux enseignements pacifistes de Jaurès.
 

 

Pourtant, en 1977, la gauche change de camp. Et c'est d’abord le Parti Communiste qui se renie à la suite du rapport présenté, dans le huis-clos du comité central, par Jean Kanapa, le « ministre des affaires étrangères » du parti. Georges Marchais, son secrétaire général, le fait savoir avec l’énergie d’un néo-converti : « j'ai consulté des spécialistes ; ils estiment que notre armée conventionnelle ne résisterait pas trois jours ; nous nous sommes donc par conséquent prononcés pour le maintien de la force de frappe nucléaire ». Reste aux adhérents à avaler la pilule. Ils seront peu nombreux à dénoncer le putsch idéologique mené par leurs dirigeants.

 

 

Bonne nouvelle pour le Parti Socialiste. En interne Charles Hernu et Jean-Pierre Chevènement avaient déjà préparé le terrain. En 1978, le PS peut annoncer à son tour sa conversion. Mitterrand en fera un des thèmes de sa campagne pour les présidentielles.
 

 

La lutte repose donc à présent sur les épaules de ces militants qui ont osé affronter la version « civile » du lobby nucléaire et devront à présent engager le combat contre sa version militaire, étant bien conscients, déjà depuis longtemps, que les deux volets sont liés.

 

Une manifestation avait donc été programmée dans la presqu’île de Crozon pour le 27 juin avant même l'élection présidentielle, l'élection de Mitterrand ne changeait rien à la décision.

 

 

1500 manifestants entre Crozon et Morgat.
 

 

Les organisateurs issus des comités Plogoff ne s'attendaient pas à une telle réussite. La presqu’île de Crozon était alors considérée comme un territoire interdit à toute manifestation mettant en cause son occupation par l'armée.  Pourtant, environ 1500 personnes ont répondu à l'appel et ont défilé entre Crozon et la bourgeoise station balnéaire de Morgat distante de 3 kilomètres. Une trentaine de moutons, guidés par des paysans du Larzac, ouvraient la marche. S’étaient joints aux manifestants le général Jacques Pâris de Bollardière, pacifiste et antinucléaire convaincu, et Annie Carval, présidente du comité de défense de Plogoff. On notait même la présence de Jean Beaufort, député socialiste du Finistère et de Claude Yvenat, maire de Crozon, conseiller général (P.S) et opposant de la première heure à la base de l’Île Longue.  Sur place, parmi les chanteurs et musiciens venus en soutien, Glenmor invitait une nouvelle fois à la révolte bretonne.

 


 

L’événement était assez rare pour que le journal Le Monde lui consacre un article. « C’est la première fois, depuis que la marine nationale y est installée, qu’un  rassemblement à la fois anti-militariste et antinucléaire a lieu dans la presqu’île de Crozon » faisait-il savoir en rappelant que « Sur le territoire de ce canton du Finistère, qui s’étend sur environ 19 000 hectares, sont installés : à Lanveoc-Poulmic, l’École navale et une base aéronavale ; à l’Île Longue (commune de Crozon), la base de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ; à Roscanvel, le 11e régiment d’infanterie de marine (centre d’entraînement de commandos). Un régiment d’infanterie, le 41e, occupe depuis 1979 une caserne construite à son intention aux portes mêmes de la presqu’île. »
 

 

C'était en effet la première fois depuis 1965 que la contestation de l'arme nucléaire, et de la militarisation de la pointe de la Bretagne, étaient portées au sein même du bastion militaire. Ce ne sera pas la dernière.

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