Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Il y a 40 ans, jour pour jour, le 12 septembre 1978, le Conseil économique et social (CES) choisissait le site de Plogoff (29) pour établir une centrale nucléaire en Bretagne. Décision qui allait entraîner la forte mobilisation que l’on connaît et l’abandon du projet trois ans plus tard. Jean Moalic, opposant historique à la centrale et ancien président du groupement foncier agricole de Plogoff (*), se souvient.

Le Télégramme

L’avis du CES avait-t-il marqué fortement les esprits ?

Pas trop, car on s’y attendait. La mobilisation n’a pas débuté à cette date. La première réunion consacrée au projet de centrale avait été organisée quatre ans auparavant, le 23 décembre 1974. À l’époque, j’avais 21 ans et j’étais minotier. Les autorités avaient retenu quatre sites susceptibles d’être choisis : Erdeven, dans le Morbihan ; Tréguennec, Guimaëc et, bien sûr, Plogoff, dans le Finistère*. En 1976 ont eu lieu les premières tensions lors des sondages géologiques effectués sur le site. Mais, dans les mois qui ont suivi, les choses se sont calmées. Il faut dire qu’on traversait une période d’élections municipales et législatives et que les candidats avaient mis le sujet sous le boisseau. La plupart d’entre eux promettaient de consulter la population sur le sujet et ne se mouillaient pas. Le choix du CES, appuyé ensuite par le conseil régional et le conseil général

Comment expliquer cette très forte mobilisation en Bretagne contre ce projet ?

Plogoff a cristallisé beaucoup de choses. En 1978, on était en plein réveil régionaliste, ce qui a fait opposition à ce projet qui était imposé par Paris. Je rappelle que le gouvernement avait planifié la construction de 200 centrales en France et que 58 sont quand même sorties de terre. Autre facteur, notre région avait été souillée par les marées noires. Catastrophes qui avaient fait émerger une certaine conscience écologique chez des personnes qui, auparavant, étaient peut-être éloignées de ces préoccupations. Dans le cap, la présence des gardes mobiles à Pont-Croix, pendant l’enquête publique, avait soulevé beaucoup de mécontentement : ces forces de l’ordre étaient hébergées au séminaire, comme les Allemands 45 ans avant. Ça ne rappelait pas de bons souvenirs aux anciens.

L’élection de François Mitterrand, le candidat socialiste, a marqué pour vous la fin de ce projet. Peut-on dire que la gauche était réellement contre la centrale ?

Sûrement pas. Il faut vraiment nuancer les choses. Les anciens barons de la droite étaient pour, dans leur écrasante majorité. À gauche, les choses étaient plus nuancées. L’Union Démocratique Bretonne (UDB), par exemple, a mis du temps à nous rejoindre. Ce parti régionaliste était persuadé que cette centrale allait tirer vers le haut l’économie régionale en intensifiant l’industrialisation. La CGT, aussi, était de cet avis. Le syndicat voyait surtout les retombées en termes d’emplois. Même le Parti communiste français, qui était très puissant à l’époque était pour. Georges Marchais, secrétaire général du PCF, s’était clairement prononcé pour la construction d’une centrale nucléaire de grande puissance en Bretagne, à Plogoff. Quant à François Mitterrand, on a su par la suite qu’il avait pris la décision d’abandonner le projet à contrecœur pour préserver certains appuis politiques, notamment les écologistes. Et qu’il avait passé un marché avec Marcel Boiteux, président d’EDF, lui disant : « On laisse tomber Plogoff mais je vous laisse carte blanche pour mener à bien les autres projets ».

Voir la video : http://www.dailymotion.com/video/x2koijzRetour ligne automatique
, déclaration de Boiteux à 37.07.

suite : https://www.dailymotion.com/video/x2ke9qo

Vous avez créé une association il y a quelques années, baptisée Memor stourm Plougon ou Plogoff, mémoire d’une lutte. Quels sont ses buts ?

Plogoff, ce n’est pas un mythe. C’est un emblème, une victoire. Nous voulons faire profiter le plus grand nombre de notre expérience de la lutte. Régulièrement, on accueille des groupes, on organise des randonnées sur le site, avec des prises de parole. On collecte aussi toutes formes de documents sur ces sept années de lutte. Nous ne sommes pas des anciens combattants. On tient aussi à alimenter le débat sur les énergies renouvelables et à regarder l’avenir en face.

* Ce GFA avait été créé pour permettre à un grand nombre de personnes de faire l’acquisition des terres situées sur le site. Par la suite, ces terrains ont été concédés au Conservatoire du littoral.

*Noter : La première résistance finistérienne a été celle de Ploumoguer.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :