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Chronique d’une victoire contre le nucléaire : Plogoff occupé.

 

Ce texte extrait de "Plogoff, un combat pour demain", retrace les six semaines d’enquête publique et de résistance de la population de Plogoff à l’occupation armée.

 

Plogoff occupé.

 

Entre le 31 janvier et le 14 mars 1980. Telles sont les dates choisies pour l’enquête d’utilité publique.

 

Dès le 9 janvier Jean-Marie Kerloc’h et Pierre Guével, maire de Primelin, brûlent, sur la place de la mairie de Plogoff, les dossiers de synthèse que le préfet leur a adressés courant décembre.

 

14 janvier : Première et timide contre-attaque des pouvoirs publics. Les gérants du GFA sont traduits en justice pour la construction de la bergerie sans permis de construire. "Le permis, c’est moi qui l’ai donné" dira le maire de Plogoff. "Vous n’en aviez pas le droit", répond le procureur de la république qui demande la destruction du bâtiment mais qui, fataliste, ne fixera pas d’astreinte à la démolition. "De deux choses l’une", dit-il, "ou bien les choses iront d’elles mêmes et la région retrouvera son caractère sauvage, ou bien les bulldozers se chargeront de la démolition". Sage décision. Sans que les choses soient vraiment allées "d’elles mêmes", la bergerie est toujours là, au milieu des landes "sauvages".

 

15 janvier : Désaffectés depuis plusieurs mois, les locaux de l’ancien petit séminaire de Pont-Croix ont été réquisitionnés pour abriter les gendarmes mobiles venus, avec 15 jours d’avance, faire régner l’ordre républicain. Ils y gagneront le surnom de "petits séminaristes". Mauvais départ !

 

20 janvier : Les maires, adjoints et conseillers municipaux des communes du Cap, se sont réunis en assemblée générale à Plogoff. 100 présents. "Ma meilleure réunion depuis cinq ans" devait déclarer Jean-Marie Kerloc’h. Décision unanime : c’est sur les flammes d’un "tantad" (un feu de joie) et au son du tocsin que débutera l’enquête.

 

22 janvier : "Je vous requiers de procéder dès ce jour et avant le 22 janvier16 heures, aux formalités d’affichage des arrêtés d’enquête conformément au code des communes". Ainsi a parlé le préfet Jourdan dans un courrier adressé aux maires du Cap. A 16 heures tapantes des gendarmes se présentent devant les maires concernés et les informent du fait que le sous-préfet Goudard sera en mairie le lendemain avec mission d’afficher les arrêtés.

 

Une soixantaine de personnes ont accueilli les gendarmes, ils seront plus nombreux demain. A Pont-Croix on a vu arriver un convoi de 19 camions bâchés accompagnés "d’estafettes" et de "méharis". On annonce sept escadrons soit 400 gendarmes.

 

23 janvier : "Ils sont venus de nuit comme des voleurs", dira plus tard Jean-Marie Kerloc’h. A 4h20 du matin le sous-préfet Goudard, accompagné d’une trentaine de camions chargés de gardes mobiles, a affiché sur les volets de la mairie, à la lumière de torches électriques, l’avis d’enquête d’utilité publique. Opération commando. 20 camions stationnés au pont du Loc’h, lieu stratégique à l’entrée de Plogoff, pour couvrir les arrières. 9 camions en avant garde avec le sous-préfet. Face à eux : la cinquantaine de personnes d’un comité d’accueil. Bousculades, concert de klaxons : le sous-préfet ne prend pas plus de quelques minutes pour afficher l’arrêté et le photographier avant qu’il ne soit arraché et déchiré. Il fallait que force reste à la loi. La mascarade ne fait que commencer.

 

25 janvier : Mgr Barbu, évêque de Quimper et de Léon, a adressé une lettre aux chefs de paroisse de la région du Cap-Sizun en réponse à l’émotion suscitée par "l’occupation de "Saint-Vincent" de Pont-Croix par un détachement de gendarmes mobiles". Nous avons été réquisitionnés, explique-t-il en publiant l’arrêté du préfet Jourdan : "Je vous requiers de fournir dans les locaux de l’ancien petit séminaire de Pont-Croix, l’hébergement des forces de l’ordre requises pour le maintien de l’ordre éventuel dans le cadre de l’enquête d’utilité publique relative au projet de construction d’une centrale électronucléaire à Plogoff". Message reçu Monseigneur, nous ne confondrons pas la matraque et le goupillon.

 

27 janvier : Une délégation de Flamanville, avec Didier Anger, est venue rencontrer le comité de défense. "Nous avons joué le jeu de l’enquête publique", disent-ils, "une large majorité s’est prononcée contre le projet. Un mois plus tard, l’enquête obtenait un avis favorable". De toutes façons, expliquent-ils, les travaux avaient commencé avant même la déclaration d’utilité publique. Avec EDF, la seule loi est celle du plus fort. "Ne faites pas comme nous, faites comme ceux du Pellerin, les seuls à triompher". Il y a bien longtemps qu’à Plogoff on en est persuadé.

 

28 janvier : Un nouveau convoi d’une quinzaine de véhicules accompagnés d’un hélicoptère est arrivé à Pont-Croix où stationnent déjà quatre escadrons de 75 gendarmes mobiles. Trois escadrons supplémentaires sont basés à Saint-Guénolé et Pont-Labbé.

 

A Quimper, le préfet Jourdan, adepte de la méthode "Jannin", semble vouloir préparer un nouveau Malville : "s’il y a des entraves matérielles sur les routes, je m’efforcerai de les vaincre", déclare-t-il à l’occasion d’une conférence de presse.

 

29 janvier : " Le ciel est bas et au crachin depuis deux jours, à la pointe de Bretagne" écrit Théo Le Diouron dans le journal Ouest-France. "Dans le Cap, ce sont des heures difficiles que l’on s’apprête à vivre... il règne depuis plusieurs jours une bien étrange atmosphère."

 

30 janvier : A 9h45 le capitaine de gendarmerie commandant le Groupement de Quimper se présente sur la place de Plogoff porteur du dossier de l’enquête qui doit commencer le lendemain. Un comité d’accueil a été réuni à la hâte : le maire, ses trois adjoints, la présidente du comité de défense et une trentaine de membres du comité. Sans avoir obtenu la signature du maire sur le bordereau de réception du dossier, le capitaine de gendarmerie repart, un autocollant antinucléaire sur le capot de sa voiture.

 

A 15h30 les maires des communes voisines sont arrivés. Le drapeau breton a été haussé au dessus du drapeau tricolore. Le tocsin sonne à l’église. Les 3,5 kg du dossier s’envolent en fumée.

 

La voix de Jean-Marie Kerloc’h est grave. L’accent du Cap ajoute à l’émotion du moment :

" Le 30 janvier est une journée historique pour nous. Depuis cinq ans que nous nous battons, chacun se rend compte aujourd’hui qu’il y aura désormais des épreuves de force. Il faudra beaucoup de courage.".

Première nuit des barricades

 

Jeudi 31 janvier : La nuit a été blanche. Dès la veille, à la nuit tombante, des barricades se sont montées aux entrées de Plogoff. On sait que demain, les camionnettes baptisées "Mairie annexe" doivent être en place à 9heures pour le démarrage de l’enquête.

Pneus usagés, pierres et gravats, câbles d’acier ceinturant le pont du Loch, vieilles carcasses de voitures, arbres abattus. De l’huile de vidange, du fioul, de l’essence ont été largement répandus, prêts à s’enflammer. A la baie des Trépassés, à Goulien, à Primelin, à Cleden-Cap-Sizun d’autres barricades se lèvent dans la nuit.



 

 

Ils ne passeront pas !

 

"La tempête est dans le ciel et sur les flots, mais pas dans les esprits", constate René Pichavant dans un article du "Télégramme". On attend dans la sérénité. Le service de renseignement de Jean-Marie Kerloc’h l’a averti : ce sera à 4 heures du matin.

 

A l’heure dite, la fusée rouge de détresse d’un guetteur placé en vigie, éclaire le paysage du Loc’h. La mer, le vent, la pluie dessinent un décor de film fantastique. Soudain, un blindé est là, qui braque son projecteur, oeil lumineux au front du cyclope. Un chant, en langue bretonne, monte du camp des défenseurs. Les barricades s’enflamment.

 

Qui, mieux que René Pichavant, journaliste à la plume courageuse et homme du Cap lui-même, aurait pu décrire ce moment d’une geste populaire ?

 

"Cela dura trois heures et demie. Trois heures et demie, quatre heures de lente, très lente progression, parmi les pneus enflammés, les moissonneuses hors d’usage, les carcasses de voitures, les tonnes de pierres déversées sur la chaussée et les câbles passés sous le pont. Un véritable travail de maquisard auquel le colonel Charlot, commandant le groupement de gendarmerie, devait rendre hommage à la fin de ce qu’il faut appeler quand même les hostilités.
 

Tout ce que Plogoff compte d’âmes se retrouvait derrière les barricades, les mains vides, mais le cœur chaleureux. Et beaucoup pleuraient.
Et la nuit se passa, longue, angoissante, poignante, avec ce vent qui secouait le Raz
." (René Pichavant, journal "Le Télégramme").

 

La barricade est enlevée vers 7 heures. Réflexe républicain : les assiégés se regroupent devant la mairie. Les premiers gendarmes apparaissent.

 

"On les voyait s’avancer et des chants encore s’élevèrent. Quand, soudain, à tirs tendus, direct dans le tas, fusèrent les grenades lacrymogènes, qui frappèrent de plein fouet une épaule, un poignet... Et quand le jour se leva, on put voir des visages de gardes mobiles curieusement passés au noir." (René Pichavant)

 

Discrètement, les "mairies annexes" traversent le bourg en direction de la pointe du Raz et vont, étrange idée, se réfugier à la sortie de la commune, entre la chapelle Saint-Yves et son calvaire.

 

En début d’après midi la poignée de gendarmes maintenue en faction voit avec inquiétude les manifestants qui, en groupes épars, montent vers eux et commencent à les submerger. Ils seront bientôt 3000 venus en car de Brest, de Morlaix, de Quimper et même du Pellerin. C’est un jour de semaine, plusieurs se sont mis en grève pour être là.

 

Le face à face est angoissant. Les visières des casques se baissent.

 

Pourtant aucune pierre ne volera. Monté sur les marches du calvaire, Jean-Marie Kerloc’h n’a pas besoin d’un long prêche pour convaincre chacun qu’après cette présence symbolique et massive, le mieux est de rentrer au bourg.



Vendredi 1er février : Les services de l’équipement mettront la journée à dégager les débris des barricades. Groupe après groupe on se relaie devant les gendarmes qui supportent, l’arme à la bretelle, les premiers quolibets.

 

"Nous ne cherchons pas de provocation. Nous entendons simplement et pacifiquement démontrer notre résolution et notre énergie farouche car ce n’est pas fini" annonce Annie Carval, présidente du comité de défense. "Nous continuerons, plus décidés que jamais. Le pouvoir nous a bel et bien déclaré la guerre", ajoute Jean-Marie Kerloc’h.

 

Un bref communiqué du Parti Communiste. La fédération finistérienne du PCF y " regrette qu’un certain nombre d’antinucléaires aient créé un climat de haine et de violence qui ne permette pas au débat démocratique de se dérouler". Depuis quelques jours, le slogan "Plogoff, Kaboul, même combat" s’étale en larges lettres sur le château d’eau, à l’entrée de la commune. Les troupes soviétiques viennent d’envahir l’Afghanistan, l’image dérange.

 

La presse nationale commence à s’intéresser à Plogoff. L’envoyée spéciale du "Matin" a perçu "quelque chose qui ressemble à la Corse sous le ciel humide de Plogoff". Libération titre : "Le nucléaire français reconnu d’hostilité publique".

 

Samedi 2 février : Toute la nuit de vendredi à samedi a été occupée à retarder l’arrivée des mairies annexes à Saint-Yves. Le terrain a été labouré, un grillage a été tendu. Pierres, gravats, carcasses de voitures s’entassent. Triste corvée de nettoyage pour les gendarmes arrivés à 7 heures.

 

A 9 heures, la "mairie annexe" est en place. Le premier piquet de surveillance prend son tour de garde face aux gendarmes. Le crachin vient rendre la garde inconfortable : le car municipal de transport scolaire est réquisitionné pour servir d’abri. On constate alors que la "mairie-annexe" bouche l’entrée de l’église, un huissier est appelé pour constater l’obstruction. La camionnette avance d’un mètre. Dans la chapelle, momentanément occupée, résonnent des cantiques en breton, vieux rappels d’un catéchisme depuis longtemps oublié, mais aussi, plus révolutionnaire, le "déserteur" de Boris Vian adapté à la sauce plogoffite.

 

Dimanche 3 février, 15h30 : Le comité de défense et les Clin avaient lancé l’appel pour une manifestation de soutien. Des délégués des "Lip", des paysans du Larzac, des délégations de Flamanville, du Pellerin, de Golfech sont présents. 15 moutons sont arrivés. Les premiers. Ils prendront la tête du cortège pour rejoindre leur bergerie de Feunteun Aod.

 

Les élus ouvrent la marche. Derrière vient Alain-Pierre Condette, le berger, accompagné de son frêle troupeau. Sous les drapeaux et les banderoles, 20 000 manifestants suivent. Les derniers n’ont pas encore quitté le bourg quand les premiers reviennent déjà de Feunteun Aod.

 

Devant la bergerie on a entonné le "Bro goz ma zadou", l’hymne au "vieux pays de nos pères". Le breton s’affirme soudain comme la langue de la résistance.

 

Lundi 4 février : Les gendarmes ont patrouillé toute la nuit. Entre deux rondes une tonne à lisier a eu le temps d’étaler une bonne couche de liquide nauséabond juste à la porte de la chapelle. Le lisier au service d’une lutte écologique, du jamais vu encore. Au matin, l’odeur est forte, les mairies annexes choisissent de s’écarter quelque peu de leur lieu habituel. "Les forces de l’ordre reculent, nous gagnons du terrain" a ironisé le comité de vigilance en venant prendre sa première faction.

Les femmes de Plogoff

 

Beaucoup de retraités en première ligne et aussi beaucoup de femmes. En tête la présidente du comité de défense, Annie Carval et l’adjointe au maire, Amélie Kerloc’h.

 

La presse et les médias découvrent les "femmes de Plogoff" :

 

"A Plogoff, il y a Jean-Marie et les femmes, s’exclamait vendredi un Douarneniste en voyant les femmes capistes s’activer pour barrer la route aux gendarmes mobiles. Sur les barricades, de fait, elles avaient toute la nuit été aux premiers rangs. Et depuis elles sont encore en première ligne, les femmes de Plogoff, dans la bataille des mairies annexes à Saint-Yves. Du matin au soir, ce sont elles qui mènent inlassablement la guerre des nerfs avec les gendarmes mobiles. Un travail de sape mené avec une farouche détermination. Travail mené imperturbablement, qu’il pleuve ou qu’il vente dans le Cap. A cette dure réalité, les femmes de Plogoff se sont pliées et ont façonné un caractère à toute épreuve.
 

Chaque propos est répété. Asséné. Chaque mètre carré de terrain âprement disputé, défendu aux gendarmes. Hier après midi, c’est l’épouse d’un berger qui a contraint les forces de l’ordre à se replier pour dégager l’entrée de son portail. Quelques instants après, c’est un petit bataillon qui s’infiltrait dans le cordon des gendarmes pour aller, toutes ensemble, la règle est une par une, jusqu’à la porte des mairies annexes. Il s’en est suivi à chaque fois bousculades, tensions, montées de fièvre." (Ouest-France du 5.2.80)

 

On pensait cette population de retraités résignée. Erreur : elle a tout son temps pour être face aux gendarmes. On croyait docile cette commune sans hommes. Encore faux.

 

C’est vrai, sur 600 foyers de la commune, 430 ont un homme à la mer : 350 au commerce, 50 dans la "Royale", 30 à la pêche, mais "nos maris n’étant pas là, nous sommes habituées à prendre constamment nos responsabilités", explique Annie Carval. "Nous n’avons pas pour habitude de nous retrancher derrière nos maris" ajoute Amélie Kerloc’h dont le mari navigue, en ce moment, au large des côtes d’Afrique. A vrai dire, elles sont même nombreuses à préférer voir leur mari en mer plutôt qu’à Plogoff pendant l’enquête. Elles connaissent la vivacité des hommes du Cap et savent qu’elles s’en tireront très bien sans eux.

 

17 heures. C’est l’heure de la fermeture des mairies annexes. A Plogoff on dit déjà : "la messe de 5 heures". D’étranges paroissiens y montent en groupes animés. Sous les blousons ce ne sont pas nécessairement des chapelets qui se cachent. Ce soir, le départ a été salué par des jets nourris de pots de yaourt pleins de peinture jaune et rouge. Réplique des gendarmes à coup de grenades lacrymogène. Dans un réflexe, les pierres rapidement arrachées aux talus se sont abattues avec un bruit sourd sur les voitures et les boucliers. Premières pierres en réponse aux fusils.

 

Mardi 5 février : Trois tonnes à lisier ont été déversées sur le site de la mairie annexe. Les policiers pataugent dans une soupe peu appétissante. Dans le quartier on accepte cette "nuisance olfactive". C’est pour la cause ! Le comité de vigilance est maintenant bien rodé pour son travail de harcèlement. Ce soir la messe de "cinq heures" est passée à un niveau supérieur. Les pierres, les bouteilles ont, d’emblée, accompagné les pots de peinture. Le rideau de grenades lacrymogène s’est fait plus nourri.

 

Une image a frappé les journalistes présents : celle d’une grand-mère octogénaire ramassant un caillou pour le donner à un jeune manifestant afin qu’il le lance sur le convoi de gardes mobiles.

 

Nouveauté : l’arrivée de la "mère poule". C’est ainsi qu’a été baptisé l’hélicoptère chargé, du ciel, d’assurer la sécurité de ses "poussins" restés au sol. Pour l’instant la mère poule pond des oeufs en forme de grenades attachées à des parachutes et de sachets de peinture. "Peinture à l’eau" a précisé la préfecture.

 

A Brest, 1500 lycéens en grève ont défilé dans la rue. Ils ont constitué des comités de soutien et se tiennent prêts à rejoindre Plogoff en cas d’évènement grave.

 

mercredi 6 février : Le comité de vigilance a innové. Le car communal porte aujourd’hui un haut-parleur qui diffuse en boucle le Ali-Alo et les bruits de botte du chant des partisans ou encore le "temps des cerises" des révoltés de la Commune. A Plogoff aussi on a de la culture révolutionnaire.

 

La messe de cinq heures est chaude. On voit sortir les premiers lance-pierres : gomme carrée tendue sur un manche de bois durci au feu. A Plogoff on dit : "un" flèche. Dès 16 heures un caillou vole.

 

Une colonne de véhicules bondée d’hommes monte en renfort. Elle est reçue par une grêle de pierres venue des manifestants dispersés dans les champs. Réponse à tir tendu des grenades lacrymogènes. La manœuvre n’est pas facile : la "mère poule" n’a pas pu quitter son perchoir : trop de vent.

 

Jeudi 7 février : La mère poule est de retour. Les grenades tombent à nouveau du ciel. Un premier blessé.

 

A la baie des trépassés le convoi des "séminaristes" s’est brutalement arrêté. Une mine antichar est là, au milieu de la route. Approche prudente. Les "démineurs" trouvent deux assiettes assemblées. Peintes en noir, lestées par du béton, munies d’une antenne et laissant entendre le tic-tac d’un mécanisme d’horlogerie. Pour compléter le tout, une mention " Pyros IRL S II " indique une provenance irlandaise. Les maquilleurs, à l’évidence, ont du métier.

 

Quelques communiqués de presse tentent d’opposer les élus aux "casseurs". "Je suis fier de cette population", répond Jean-Marie Kerloc’h. "D’ailleurs, depuis quelque temps, elle reçoit un appui moral massif de partout en France. Il n’est pas possible qu’elle fasse marche arrière".

 

Il est vrai que la presse "nationale" commence à regarder avec intérêt ce qui se passe sur ce bout de la terre. On avait pronostiqué un rapide retour au calme après les habituels effets de tribune. On s’est trompé.

 

Bernard Chapuis dans son billet du "Monde", s’étonne de cette "génération spontanée" de manifestants. D’où peuvent sortir tous ces gens, interroge-t-il, "quand on sait que nos quatre grands partis politiques sont globalement favorables à l’énergie nucléaire". Yann Kermor de "Libération" ne dit pas autre chose quand il évoque "l’étonnant Plogoff qui mènera décidément sa lutte antinucléaire en dehors des sentiers battus du militantisme traditionnel". A droite, on commence à prendre peur, Bernard Rosset, dans le Figaro, manie l’insulte : "La pointe du Raz est un peu le nez de la France, Plogoff ne veut pas voir plus loin que le bout de ce nez".

 

Ambiance : le matin, à 8h45, la colonne de gendarmes passe devant le domicile d’une personne qui jette un coup d’œil à la fenêtre. Soudain à l’arrière du dernier camion, un lance pierre apparaît. Le caillou casse la vitre pour atterrir dans la cuisine.

Premier otage.

 

Vendredi 8 février : Vers 22 heures, des consommateurs sortant du bar "La Flambée", se sont fait accueillir par des grenades lacrymogènes tirées par une patrouille de gardes mobiles. Cailloux et bouteilles leur ont répondu. Quand les premiers gendarmes apparaissent à 6h30 du matin du côté de la chapelle Saint-Yves, une barricade de carcasses de voitures s’enflamme.
Les évènements de la nuit ont amené 300 personnes à la messe de cinq heures. Le quartier est bouclé. Les gendarmes ont entouré les champs environnants pour empêcher des manifestants de se dissimuler entre les ajoncs et les fougères.

 

Vient l’heure du repli : fumigènes et lacrymogènes contre galets et boulons.

 

Soudain, un bruit assourdissant : le première grenade offensive. Elle laissera un beau trou dans le macadam. Les forces de l’ordre annoncent 15 blessés. Un manifestant, qui a reçu une grenade, saigne abondamment de la tête.

 

Les journalistes présents constatent que la violence devient rituelle :

"Où donc s’arrêtera l’inquiétante escalade engagée ? A Plogoff, personne n’en sait trop rien. Chaque soir on franchit un pas supplémentaire. En début de semaine, la plupart des manifestants venaient les mains vides. Plusieurs se sont équipés ces trois ou quatre jours de casque, de lunettes, de fronde, de foulard et nombre de ceux qui retenaient leurs concitoyens désireux de lancer des projectiles en début de semaine se sont mis eux-mêmes à lancer des pierres maintenant". (Ouest-France)

 

La journée n’est pas finie. A Saint-Yves, on s’emploie à étaler des gravats pour l’accueil du lendemain. Une nouvelle se communique dans les rangs : ils ont quitté Pont-Croix.

 

Une demi-heure plus tard ils sont là qui traversent la nuit du bourg où la lumière publique a été coupée. Trois camions d’où, à nouveau, partent des grenades lacrymogènes. Des jardins alentour volent les pierres et les bouteilles. Des tôles sont cabossées, des vitres éclatées. Bientôt une nappe d’huile de vidange et d’essence s’enflamme au passage des camionnettes.

 

Au retour les gendarmes remarquent un homme, seul dans la nuit, au bord de la route. Eugène Coquet, marin de commerce de retour d’une campagne sera le premier otage. On aurait trouvé "un" flèche dans sa poche. Comparution en flagrant délit dès le lendemain et condamnation à quarante-cinq jours de prison !

 

Le danger de dérapage est de plus en plus perceptible. Nombreux sont ceux qui voudraient arrêter l’escalade. Une pétition circule pour demander le retrait des forces de l’ordre et "dépassionner le débat afin que des actes irréparables ne se produisent". On pourra la signer en mairie pendant la journée du dimanche. La sagesse voudrait qu’elle soit écoutée mais le gouvernement giscardien et le préfet, ne reculeront pas d’un pouce.

 

Nouvelles du front extérieur : En pleine nuit, entre Caen et Bayeux, un train de matières irradiées a été arrêté et bloqué par des antinucléaires. Une opération menée par des hommes en cagoule qui ont coupé les commandes de frein avant de "tagger" les wagons et de disparaître dans la nuit. Un "Mouvement de résistance à la nucléarisation" a revendiqué cette action menée en réponse à la "violence de l’Etat et des nucléocrates qui imposent à la population une nucléarisation forcée avec leur armée de gardes mobiles, comme à Plogoff et Cherbourg".

 

A Trogor.

 

Lundi 11 février : Le week-end a été calme. Une délégation remet au préfet la pétition signée le dimanche et qui a recueilli 1376 signatures toutes certifiées de Plogoff. "Les mairies annexes ne servent à rien" disent-ils, "si ce n’est à sauver un semblant de légalité et à maintenir la pression policière sur la commune avec toutes les exactions qu’elle entraîne, retirez-les". Peine perdue.

 

Une nouveauté : les mairies annexes ont déménagé. Elles se trouvent à présent à Trogor, à l’entrée du bourg, sur un délaissé de route plus simple à surveiller et plus facile à évacuer les soirs de grand-messe. On remarque également que certains gendarmes portent un gilet pare-balles.

 

400 personnes assistent à la messe de cinq heures. Le moral n’y est pas, les mains restent dans les poches. Pourtant, en face on ne se presse pas. Un gendarme redescend même de son camion pour photographier la foule. Cette fois c’en est de trop. Quelques pierres croisent la trajectoire de quelques grenades. Le rituel est sauf.

 

Mercredi 13 février : La journée a été chaude. Les congés scolaires ont amené un nouveau public face aux gendarmes.

 

Nouvelles de Cherbourg : le "Pacific Swan", navire chargé de déchets radioactifs en provenance du Japon est attendu. Le "Rainbow Warrior", navire amiral de Greenpeace, croise au large du Cotentin avec l’espoir de pouvoir l’intercepter.

 

Jeudi 14 février : Trogor a pris ce matin l’allure d’un grand chantier. Les marteaux piqueurs des gendarmes pétaradent, les tronçonneuses font jaillir des gerbes de feu.

 

Avec l’expérience, la construction des barricades est devenue plus savante. La construction avait commencé dès 20 heures la veille.

 

" Une solide équipe d’hommes et de femmes de Plogoff ont placé en travers du délaissé de chemin où stationnent les mairies annexes, deux grands poteaux électriques en ciment récupérés dans les fossés proches. Les armatures de ces poteaux mises au jour ont été soudées d’un poteau à l’autre puis solidement attachées à des pieux enfoncés d’au moins un mètre dans la route. Ce premier travail effectué, armatures et soudures ont été noyées dans un ciment à prise rapide. Un travail de spécialistes que des dizaines de mains - au plus fort de l’action, ils étaient bien une centaine hier soir, au travail sur le barrage - vont parfaire en y jetant pêle-mêle tessons de bouteilles, tonnes de cailloux badigeonnés, noyés même, dans un mélange d’huile de vidange, de coaltar et de graisses animales dégageant une odeur putride." (Théo Le Diouron, Ouest-France).

 

L’armée devra mobiliser les moyens puissants du Génie pour arriver à déblayer le terrain. Cette obstination "non violente" des gens de Plogoff renouvelée chaque nuit et anéantie chaque matin est certainement un symbole bien plus fort que celui des échauffourées du soir. Mais les frondes et les fusils donnent de bien plus belles images...

 

Ce soir, après la messe de cinq heures tout le monde se retrouve devant la mairie pour accueillir quarante brebis prêtes à agneler. Un cadeau du Clin de Pontivy. Glenmor, le premier des "bardes" bretons est là pour une visite amicale. On fait le projet d’un "Tro Breizh" (un tour de Bretagne) pour "sensibiliser les bretons aux évènements qui se déroulent à Plogoff". On pense aussi à une éolienne pour alimenter la bergerie en électricité. La vie à Plogoff pourrait être paisible si les forces du désordre ne l’investissaient pas tous les matins.

 

Vendredi 15 février : l’évènement aujourd’hui, c’est une première émission sur Plogoff à la télévision. Impression mitigée. Sous couvert "d’objectivité", la moitié de l’émission a été consacrée à Chinon où, naturellement, personne n’a à se plaindre de la centrale. On y montre 9 courts de tennis : "c’est grotesque" déclare Annie Carval, la présidente du comité de défense, " Nous n’avons pas besoin de tennis ici. Seulement d’une information honnête et sérieuse".

 

Des journalistes du "Progrès de Lyon" sont venus enquêter. Ils comparent Plogoff et Malville : "Si les objectifs des antinucléaires sont identiques, on ne peut décalquer Plogoff sur Creys-Malville. Chez nous l’opposition à la centrale était plus structurée, mieux organisée. A Plogoff, elle nous est apparue plus souterraine, disséminée dans les villages, mais peut-être plus enracinée dans la vie des gens". (propos recueillis par Guy de Lignières, Ouest-France ).

 

Opposition peu structurée ? Les journalistes pressés ne voient pas que Plogoff est soutenu par un réseau de comités qui couvrent l’ensemble de la Bretagne et dont l’organisation est d’autant plus efficace qu’elle est discrète. Par contre ils voient juste quand ils soulignent l’enracinement d’une population à son territoire. Sans cet attachement et ce courage rien n’aurait été possible.

 

Samedi 16 février : Huguette Bouchardeau, secrétaire du PSU rencontre Jean-Marie Kerloc’h. Beaucoup de militants du PSU sont engagés dans les Clin. Invitée par ses amis, elle fait part de son étonnement : "C’est la première fois que je vois une telle mobilisation de la population. La lutte de Plogoff est exemplaire. Le pouvoir, avec les gendarmes, ses hélicoptères, ses grenades, montre bien quelle société nucléaire-policière il nous prépare. Tenez bon, vous redonnez du courage au-delà de la Bretagne". (recueilli par Théo Le Diouron, Ouest-France).

 

Elle assistera ensuite à l’un des départs les plus violents depuis le début de l’enquête. 700 à 800 personnes sont présentes. Le vent ramène les gaz lacrymogènes vers les gendarmes. Soudain des déflagrations. Les militaires et anciens militaires de Plogoff, nombreux parmi les manifestants, reconnaissent le bruit : grenades offensives ! On en contera 30 qui viendront arracher des morceaux de macadam à la route et projeter des pierres dans les champs des alentours. Trois personnes au moins sont touchées par ces débris dont l’une saigne abondamment.

 

Le bruit court : ne plus ramasser les grenades. Ceux qui ont "fait" Malville se souviennent des membres arrachés. Les forces de l’ordre ne peuvent ignorer qu’elles prennent le risque de blesser gravement voire même de tuer.

 

Du nouveau : une radio libre émet depuis la mairie. Radio Plogoff. Les animateurs locaux sont aidés par plusieurs jeunes militants parisiens qui ont déjà participé à de telles initiatives (Radio 93, Radio Riposte) et qui, pour cette raison, sont poursuivis en justice. Radio Plogoff deviendra par la suite, un des éléments essentiels de la mobilisation.

Première chasse à l’homme.

 

Mardi 19 février : C’est jour de carnaval. Les écoliers et collégiens de Plogoff ont paradé devant les mairies annexes, écumoire sur la tête en guise de casque, balayette en main et couvercle de poubelle sur la poitrine.

 

Plus de 1000 personnes sont présentes au rendez-vous de cinq heures. Le silence est impressionnant. Annie Carval est inquiète et circule dans les rangs pour inviter au calme. Pourtant, à nouveau, des bouteilles enflammées volent.

 

Il faudrait savoir temporiser, la foule présente n’est pas violente dans sa masse et saurait arrêter les jets dangereux si on lui en laissait le temps, mais les grenades offensives répliquent immédiatement.

 

D’ailleurs les forces de l’ordre se seraient mal accommodées ce jour là d’un départ dans le calme. De nouvelles troupes ont été déployées. Des "brigades légères" qui ressemblent furieusement à celles qui opéraient sur les trottoirs du quartier latin en 68. Chaussures de basket, masque à gaz, lunettes de protection et matraque. Dissimulés dans les fourrés, les gendarmes en sortent aux premiers jets de pierre pour une chasse au manifestant manifestement programmée. Le gibier est mince : un sexagénaire matraqué, poussé, tiré jusqu’à un camion et emmené jusqu’au séminaire de Pont-Croix.

 

Un vieux gauchiste ? L’homme est Clet Ansquer de Lescoff en Plogoff, retraité de l’administration pénitentiaire, gardien de prison pendant 35 ans à Quimper !

 

Bonne nouvelle : de quoi se plaignent donc ces écologistes ? La presse nous apprend que la France se rapproche des Etats Unis dans le domaine de l’énergie solaire. M. Henri Durand président du C.O.M.E.S, le commissariat à l’énergie solaire (on ne savait pas que cela existait), affirme qu’en l’an 2000 le solaire fournira 5% du total des besoins énergétiques de la France créant ainsi 80 000 emplois et permettant l’économie de 15 millions de tonnes de pétrole.

 

On peut toujours rêver. Un rapport rédigé par Yves Cochet, député du Val d’Oise et futur ministre de l’Environnement, indique qu’en septembre 2000, les énergies renouvelables, toutes origines confondues, représentaient 7% de la production française dont seulement le millième pour l’énergie solaire soit 0,007% !

 

Jeudi 21 février : Plogoff franchit les frontières. Ulrich Wickert de la TV allemande est à Plogoff pour un déplacement de deux jours. Le quatrième. Il prépare une émission de grande écoute pour sa chaîne. Malgré le souvenir de la guerre, encore vif dans le Cap, il a été merveilleusement accueilli. Il découvre une première vraie résistance au nucléaire en France mais aussi "des gens qui luttent contre le nucléaire pour préserver une société lentement bâtie au cours des siècles... une société humaine, très humaine" (propos recueillis par Jean-Charles Perazi, Ouest-France). De nombreux téléspectateurs allemands viendront sur place chercher cette vérité.

 

Vendredi 22 février : Béret noir, tenue noire, des gendarmes parachutistes sont en première ligne. Ceux là même qu’on a vu à Malville.

 

Au moment de la dispersion le spectacle est étonnant. Au coude à coude, ils avancent en poussant des sons gutturaux et en frappant en rythme leurs matraques sur leurs boucliers. Croient-ils impressionner ? C’est un éclat de rire généralisé qui les reçoit !

 

Une dernière grenade offensive lancée par dépit et les voilà rembarqués.

 

Samedi 23 février : Ce matin Trogor a pris l’allure d’une décharge publique. Les bennes à ordure du secteur y ont été déversées pendant la nuit. Belle corvée pour commencer la journée. Les gendarmes parachutistes sont des seigneurs. Aucun d’eux ne touchera une pelle. Ils regardent avec mépris leurs collègues "mobiles" se charger de la corvée.

 

En fin de matinée Paul Quiles arrive à la mairie où il rappelle que le parti socialiste "est le seul grand parti politique à s’opposer à la politique du tout nucléaire en France". Peut-être souhaiterait-t-il vraiment qu’il en soit ainsi.

 

Mardi 26 février : Lisier à 9heures, lacrymogènes à 17h. Rien à signaler.

Demain Clet Ansquer passe en procès à Quimper. Plogoff prépare le déplacement.

A Quimper

 

Mercredi 27 février : Plogoff a investi Quimper. Toutes les précautions ont été prises. Le rassemblement de soutien partira du champ de foire, loin du tribunal. Seuls les gens de Plogoff se rendront au palais de justice. Ils assurent eux-mêmes le service d’ordre dans les rues adjacentes.

 

En entrant dans le tribunal, un homme trébuche et tombe provoquant l’éclat de rire d’un CRS. Mais l’homme est irascible et répond par quelques coups de pieds bien placés et par une gifle sonore. Encore un capiste ? Direction le panier à salade et explication embarrassée : l’homme est un juge ! Un juge après un maton, à Plogoff on en rit encore.

 

Le procès commence. Clet Ansquer prend la parole. La salle est comble, tous les amis sont venus. Clet se montre l’homme du Cap qu’il est de naissance. Un homme amoureux de son sol et qu’il est prêt à défendre, y compris physiquement. Retraité de l’état, après 34 années au service de surveillance de la maison d’arrêt de Quimper, il n’aurait jamais imaginé avoir à lancer une pierre sur des CRS. Il l’a fait et ne cherche pas à le nier.

 

Mais on l’accuse d’avoir lancé une bouteille incendiaire, un "cocktail Molotov". "Est-ce parce qu’on est gardien de prison qu’on sait faire de tels cocktails ? " interroge-t-il. Il a proposé aux gendarmes de prendre ses empreintes. Ceux-ci ont d’ailleurs senti ses mains pour chercher la trace d’un carburant : test négatif.

 

On l’accuse encore d’avoir "participé volontairement à des violences contre les forces de l’ordre". Participé volontairement à des violences contre les forces de l’ordre, il l’a fait. Mais, dans ce cas, c’est tout Plogoff qu’il faudrait arrêter. "C’est le procès des 2300 personnes de Plogoff qui est fait ici" déclare Jean-Marie Kerloc’h "car Clet Ansquer, comme honnête homme, défend ce que tout citoyen doit défendre, son patrimoine".

 

Les témoignages des gendarmes se succèdent à la barre. Pitoyables. "On ne l’a pas vu lancer de cocktails Molotov mais il était entouré de jeunes qui en lançaient... c’est un meneur, il avait l’air d’exciter les jeunes par la voix et le geste... il nous injuriait, on l’avait repéré". Le problème pour les forces de l’ordre est bien celui là. A Plogoff, jeunes et anciens se côtoient et les plus révoltés ne sont pas nécessairement les plus jeunes.

 

Les gendarmes ont en face d’eux des "retraités" dont certains ont servi dans la résistance et les forces françaises libres avant d’être embarqués pour l’Indochine et les aventures africaines. Pour eux, quelques pierres ne sont pas scandaleuses, même lancées par le "flèche" de leur enfance. Ils ne bougent pas d’un centimètre quand les grenades lacrymogènes ou même offensives commencent à pleuvoir. Ils en ont vu d’autres. Croit-on vraiment les faire reculer en faisant de Clet Ansquer un exemple ?

 

Clet, à son tour, dénonce les méthodes policières : "A Pont-Croix, j’ai passé une nuit atroce, debout, attaché au pied d’un lit, sans un verre d’eau. Les bêtes on les traite mieux. J’ai fait 34 ans en prison... comme surveillant, jamais je n’aurais osé traiter les détenus de cette façon". Silence glacial dans la salle.

 

Le procureur de la république a été formé à l’école de la loi "anti-casseurs" votée pour réprimer les manifestations de l’après 68 : peut être condamnée toute personne présente à une manifestation ayant donné lieu à des violences, même si elle a gardé les mains dans les poches.

 

"Nous jugeons Clet Ansquer sur les faits, non sur ses opinions" déclare-t-il, avant de se lancer dans une violente dénonciation de "ceux qui empêchent le déroulement libre de l’enquête d’utilité publique", de ceux qui inscrivent des menaces sur les murs, de ceux qui attirent des jeunes dans la région.

 

Les défenseurs n’ont aucun mal à faire valoir que si la loi "anti-casseurs" doit être appliquée c’est toute la population de Plogoff qui doit être mise sous les barreaux.

 

Après 35 minutes de délibération le verdict tombe : un mois de prison ferme ! Des huées et des invectives s’élèvent de la salle. Plogoff sait à présent ce que signifie "justice aux ordres".

 

Dehors le climat s’est tendu. Quelques centaines de personnes sont restées attendre la fin du procès. Après quelques bousculades aux marges de la manifestation, les CRS chargent. En ville, ils sont chez eux et tiennent à le démontrer : course rodéo des "estaffettes" sur les trottoirs, charges scandées par le rythme des matraques sur les boucliers, cris de guerre divers... Les quais de l’Odet prennent des allures de quartier latin. Bilan : quatre blessés sérieusement atteints.

La rafle.

 

Vendredi 29 février : La journée s’annonce banale. Au matin, les gendarmes ont nettoyé le lisier de la veille. Les femmes de Plogoff sont venues au rendez vous accompagnées d’un mannequin déguisé en "mobile". Vers 16h30 elles ont reçu le renfort des hommes pour accompagner le départ des mairies annexes. Trois cent à quatre cent personnes sont présentes, bien moins nombreuses que les forces de l’ordre.

 

16h55, le départ est dans cinq minutes. Les gendarmes, en position depuis une demi-heure déjà, bouclier au poing, matraque de l’autre, visière baissée sur le casque, ne font pas mine de vouloir bouger. Une bouteille enflammée éclate bientôt derrière un véhicule. C’est le signal attendu !

 

La ruée est brutale.

 

" L’hélicoptère synchronisé fait des acrobaties et du rase mottes, pique vers les champs au ras des fils. Sur la route les grenades explosent à cadence accélérée, des lacrymogènes dernier modèle à 260 francs pièce, des "offensives" au plâtre et la charge se poursuit. Tout le monde court éperdument sur la grand-route. Plusieurs sautent dans les jardins, les plantations. L’hélicoptère tournoie et ronfle comme une guêpe atteinte de delirium. Quand, en sens inverse, du bourg, des camions foncent à toute vitesse, sirènes hurlantes, dans la foule qui reflue. La grande attaque concertée. Les camions freinent brusquement. Des parachutistes s’en éjectent et bondissent, masques en place, matraques en l’air, par-dessus les talus, frappent tout ce qui se trouve à portée, sans distinction d’age ni de sexe, frappent du pied ; du poing, du bâton, du casque, crient, crachent, frappent encore. Effrayants. La furie dure dix minutes dans la fumée dense, irrespirable. L’enfer.
 

Dix sept heures dix. Les camions redémarrent. Ils emportent une quinzaine de manifestants, menottes aux poignets. La rafle rappelle de terribles moments des années d’occupation." (René Pichavant - Les pierres de la Liberté - Editions Morgane).

 

Lorsque les camions de gendarmes sont partis et que le déluge des grenades s’est arrêté, la population, en état de choc, se regroupe lentement autour de la mairie. Une femme de 70 ans s’adresse aux journalistes : "ils m’ont craché à la figure. J’ai vu deux guerres, ils ne respectent plus rien ni personne". Une autre montre sa jambe tuméfiée, écrasée à coups de pieds. Un jeune a le ciré couvert de sang : coup de matraque. Sur les marches une femme hurle son angoisse : son fils vient d’être embarqué. Ils sont onze au total. Onze otages.

 

Tous à Pont-Croix ! Le cri a jailli, spontané. Libérons nos camarades ! Amélie Kerloc’h, adjointe au maire, sent le danger :

 

"Ils sont prêts à tout. J’ai vu aujourd’hui des femmes rouées de coups de pied et de coups de crosse de fusil. Restons chez nous. N’allons pas à Pont-Croix mais faisons en sorte qu’ils ne puissent plus venir ici.
 

Faisons de Plogoff une Île.".

 

La nuit sera longue. Chaleureuse. Par petits groupes chacun rejoint son quartier pour revenir bientôt bras et remorques chargés. Vieilles voitures extraites des casses, rochers sortis des grèves, poteaux, madriers, câbles... les barricades dépassent en hauteur tout ce qui a pu être fait jusqu’à présent. Au pont du Loc’h on prend au pied de la lettre les propos de Amélie Kerloc’h. Le pont est perforé pour recevoir une charge de dynamite. La mèche est allumée. Fort heureusement le pont résiste à l’explosion. Le symbole aurait été fort mais Plogoff se serait vu privé d’eau et de téléphone.

 

Ils arrivent à cinq heures. Les barricades s’enflamment. Les grenades offensives ouvrent la voie aux gendarmes parachutistes. Les "mobiles" suivent protégés par des gilets pare-balles. Le bulldozer "Avranches" du génie entre en jeu, les scies circulaires lancent leurs appels stridents. Il faut deux heures à la colonne pour atteindre Trogor où l’attend un monceau d’ordures qu’il faudra encore dégager afin de faire place nette.

 

Samedi 1er mars : Calme étrange à Plogoff. De partout affluent les soutiens. Jean-Marie Kerloc’h est entouré d’élus du département venus par solidarité. Les troupes d’occupation sont restées sur place. Elles s’étalent aux yeux de tous entre le Loc’h et le bourg. Quatre-vingt-neuf camions, pratiquement un devant chaque maison. Le silence est lourd au moment où les mairies annexes amorcent leur départ. Annie Carval, au porte-voix, demande à chacun de garder son calme. Lentement les camions s’ébranlent, lentement la foule se met en marche. Trois ou quatre jets de pierre. Le pire, encore une fois, a été évité.

 

Cette nuit, fourmis inlassables, ceux de Plogoff redressent les barricades.

 

Ils ne sont pas les seuls à passer une nuit blanche. Dans toute la Bretagne, les Clin s’affairent à rebaptiser villes et villages. De Rennes à Brest les lettres Plogoff s’étalent sur les panneaux indicateurs aux entrées et sorties d’agglomération. Nous sommes tous " de Plogoff " disent ces inscriptions.

Etat de siège à Quimper.

 

Jeudi 6 mars : Les premiers jours de la semaine ont été calmes. Les gendarmes ont prestement embarqué après le départ des mairies annexes et la " mère poule " est restée très haut dans le ciel. Preuve que les départs houleux pourraient être évités.

 

Cet après midi c’est sur Quimper que se reporte l’attention. On y juge neuf des manifestants raflés le 29 février. A 15 heures, Jean-Marie Kerloc’h en tête, les gens de Plogoff arrivent au tribunal. Chacun a préparé son lance-pierre, qu’il porte au coup comme un emblème.

 

Deux des prévenus sont poursuivis pour « avoir participé à une action concertée menée à force ouverte par un groupe ». Quatre autres pour « avoir continué de participer activement à un rassemblement ». Toujours la loi anti-casseurs.

 

Le maire et ses conseillers ont apporté leur valise : ils sont prêts à dormir en prison dès le soir même car eux aussi ont participé à toutes les actions de Plogoff et ils le revendiquent.

 

Comme le premier, ce procès est une farce. Les journalistes présents hésitent entre le fou rire et l’effarement.

 

Le fou rire quand le procureur étale un plan des lieux sur la table du juge et cherche, pendant vingt bonnes minutes et au milieu des journalistes hilares, à localiser la place de chacun au moment de son arrestation.

 

L’effarement quand Me Choucq, avocat des inculpés, sort de la salle suivi de l’huissier pour lui faire constater que, dans la salle des témoins, des gendarmes déjà entendus font un compte-rendu à ceux qui vont témoigner à leur tour.

 

Mais ce qui l’emporte c’est l’émotion quand les témoins, des femmes en majorité, accusent :

 

« J’ai vu un jeune, le dos nu, la matraque tombait dessus. C’était horrible, j’espère ne plus voir une chose pareille à Plogoff. »

 

« Les gardes mobiles traînaient des jeunes gens. Croyez monsieur, dans mon cœur de mère, cela n’a fait qu’un tour. Un des gardes m’a vu avancer la tête et m’a traitée de S… il m’a craché à la figure. Jamais les jeunes qui sont devant vous dans le box des accusés, n’auraient osé dire une chose pareille… » ( propos d’une femme de 70 ans rapportés par Ouest-France)

L’avocat condamné !

 

Le procureur de la république a préparé sa contre-attaque. Dans son dossier, deux lettres de manifestants arrêtés puis relâchés qui témoignent ne pas avoir été brutalisés. « Je veux prouver par là, dit-il, qu’il n’y a pas eu de violences. M. Le Bras (l’un des auteurs des lettres), en effet, après avoir été contrôlé avait été relâché. »

 

Me Choucq, bien renseigné, bondit : « Je ne veux pas croire qu’un lien de parenté entre M. Le Bras et un représentant du Parquet ait quoi que ce soit à voir dans le fait que M. Le Bras ait été relâché »

 

C’en est de trop pour le procureur : « C’est un outrage à magistrat, je demande l’intervention du bâtonnier, une audience et une sanction disciplinaire immédiates »

 

Ainsi fut fait. L’audience de flagrant délit fut suspendue et maître Choucq prit la place des manifestants sur le banc des accusés.

 

Son ami Me Mignard et deux de ses collègues quimpérois, dont le bâtonnier en exercice, prenaient en main sa défense.
« Un avocat respecte bien ses juges quand il les traite durement, sans connivence, sans génuflexion » plaide, sans succès, Me Mignard. Le verdict tombe vers 21h30 : dix jours de suspension.

 

Les avocats se souviennent qu’un juge, quelques jours plus tôt avait été libéré après avoir giflé un CRS. Dans un communiqué ils « s’étonnent d’autant plus de la précipitation avec laquelle leur confrère a été sanctionné qu’ils se rappellent qu’à peine une semaine auparavant un magistrat du siège du tribunal de grande instance de Quimper a, quant à lui, pour des faits de notoriété publique et qui auraient pu également justifier une procédure de flagrant délit, bénéficié d’un sort meilleur et d’une apparente immunité. » En attendant, les avocats quimpérois décident d’une grève totale des audiences bientôt suivis par leurs confrères du barreau de Nantes. L’affaire fera grand bruit dans l’hexagone et vaudra à Me Choucq de nombreux soutiens.

 

Quant aux accusés, privés d’avocat, ils ne leur reste qu’à retourner en prison.

 

Devant le Palais de Justice personne ne veut croire à la réalité des faits rapportés. Ils étaient 3000 en début d’après midi, ils sont encore quelques centaines sur place. Aux huées, les CRS répondent par une charge violente. Des personnes présentes dans la salle d’audience, témoins, avocats, journalistes, sortent et s’indignent de la scène qu’elles ont sous les yeux. Les CRS remontent les marches et les matraquent à leur tour, les poursuivant à coup de crosse jusqu’à l’intérieur du tribunal devant le président stupéfait.

 

La violence se poursuit dans les rues de Quimper, une nouvelle fois livrées aux CRS. Violence contre les manifestants roués de coups à cinq contre un. Violence même contre les journalistes qui veulent fixer la scène sur la pellicule photographique.

Dernière semaine.

 

Lundi 10 mars : C’est la dernière semaine. Samedi il y avait 2000 manifestants à la "messe". Les tirs tendu des grenades ont provoqué de sérieuses blessures mais le drame de Malville a, pour le moment encore, été évité.

 

Il est temps qu’un acte symbolique fort vienne détendre l’atmosphère. Ce sont les médecins du Cap qui en prennent l’initiative. Avec eux les vétérinaires, pharmaciens, infirmières, infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes et autres personnels sanitaires du canton de Pont-Croix veulent témoigner leur solidarité active à Plogoff. Parti de la mairie, leur cortège est ovationné quand il arrive à Trogor où les attendent 2000 manifestants. Jusqu’à cinq heures, infiltrés parmi les gendarmes, ils réussissent à maintenir un calme relatif mais, bientôt, pierres et grenades volent sous le bruit assourdissant de l’hélicoptère qui, à nouveau, fait du rase mottes.

 

A la mairie, autour de Jean-Marie Kerloc’h, une dizaine de personnes travaillent sans relâche pour mettre sous pli l’appel du conseil municipal et du comité de défense à une opération "Cap en deuil" pour la fin de l’enquête. Cet appel est adressé à toutes les mairies du Finistère ainsi qu’aux principales villes de Bretagne.

 

Le comité demande "à tous les Cornouaillais, Bretons, élus locaux, commerçants, artisans, entrepreneurs, enseignants, travailleurs, paysans et toutes les personnes qui se sentent solidaires du combat de Plogoff de s’y associer vendredi 14 mars à 15 heures par un arrêt de travail en fermant mairies, écoles, commerces, usines et en venant manifester à Plogoff pour les dernières heures d’une enquête bidon d’hostilité publique qui n’aura été prétexte qu’à des grandes manœuvres militaires pour les gendarmes et à des matraquages de la population jusque dans l’enceinte même de notre Palais de Justice de Quimper ! "

 

" Durant ces six semaines, poursuit-il, on a occupé, frappé, emprisonné Plogoff, mais au 45ème jour d’enquête comme au 1er, Plogoff dit et dira toujours non à la centrale de l’EDF, la Commune entière dut-elle être emprisonnée."

 

Les Clin également préparent l’après-enquête. Une fête rassemblera tous ceux qui ont soutenu Plogoff le dimanche 16 mars à la Pointe du Raz. On a fait appel aux artistes bretons. Le plateau sera magnifique. On annonce déjà Stivell, Glenmor, Melaine Favennec, Yvon Etienne, Youenn Gwernig, Dan ar Braz, Sonerien Du, Djiboudjep.
 

Félix et Nicole Le Garrec seront là également. Sous un chapiteau monté sur le parking de la Pointe du Raz, ils présenteront les premières images de leur film " Des pierres contre des fusils".

 

Mais la semaine n’est pas encore achevée. La violence s’est déplacée à Pont-Labbé. Des manifestants se sont assis devant le convoi de camions rentrant au bercail. Peine perdue, les "séminaristes" n’ont pas lu Gandhi. Sans sommation les matraques ont frappé.

 

Mardi 11 mars : On les avait oubliés. Pour toute enquête publique il faut des "commissaires enquêteurs". Recrutés parmi les anciens gendarmes, les anciens militaires, les fonctionnaires de l’équipement en retraite, ils brillent généralement par leur incompétence à juger du dossier soumis à enquête et par leur docilité vis-à-vis des autorités.

 

Rien ne prédestinait l’Amiral Georgelin, président de la commission, ou le commandant de marine Nédélec, son assesseur, à piloter un dossier aussi délicat.

 

"Nous ne tenons pas à jouer aux guignols" se défend par avance le commandant Nédélec.

 

"Je connais le pays pour y être venu plusieurs fois dans le cadre de mes missions de vice-président de la Société Nationale de Sauvetage en Mer. Je connais toutes les chapelles de la région. J’ai fait mes études au petit séminaire de Pont-Croix". ajoute, pathétique, l’amiral Georgelin.

 

Les voilà maintenant enfermés, pour les quatre derniers jours de l’enquête, dans les camionnettes "mairies annexes".

 

Pour leur baptême du feu Plogoff a fait les choses en grand. Le haut-parleur du car de ramassage scolaire a craché de toute sa puissance des marches militaires, le chant du départ, le chant des partisans. On a chanté en français et en breton, on a repris les couplets du "Déserteur" revu et corrigé à la mode Plogoff.

 

Ces deux marins ne s’attendaient certainement pas à un tel accueil en terre maritime. "Il faut que vous sachiez que nous sommes totalement neutres ; absolument libres et indépendants dans cette enquête" tentent-ils de plaider à la porte des camionnettes.

 

Un homme, enfin, se présente :
"Vingt-huit ans dans la Royale ; conduite exemplaire ; devenu révolutionnaire à cause de EDF et de ces messieurs (doigt pointé vers les gendarmes) ; Ferdinand vous salue amiral."

 

Jean-Marie Kerloc’h, en personne, viendra lancer un appel à la solidarité entre gens de mer. Jamais amiral ne se sera senti si mal à l’aise. Mieux aurait valu affronter tempêtes et torpilles.

 

 

Jeudi 13 mars : Avant dernier jour d’enquête. Jour des anciens combattants.

 

Ils sont en tête de la marée humaine qui descend lentement vers Trogor. On chante la marseillaise dans les premiers rangs. Certains ont épinglé des insignes antinucléaires au côté de leurs médailles militaires. Drapeaux déployés et béret vissé sur la tête, ils tentent de franchir le cordon des gendarmes. "On a libéré le terrain en 45, nous le libérerons une seconde fois" lance un ancien résistant. Un coup de crosse vient pourtant déchirer la main du porte-drapeau des officiers mariniers.

 

Les gendarmes parachutistes se sont déployés en cercle autour des manifestants. Pendant que le chant des partisans, en breton, résonne dans le haut-parleur, une partie des élus et des manifestants se dirige vers eux. L’affrontement, ce soir, sera très bref. Les gendarmes choisissent la retraite en bon ordre.

Dernière messe.

 

Vendredi 14 mars : "Pour la dernière "messe" de l’enquête d’utilité publique on a battu des records à Plogoff", constatent Théo Le Diouron et Jean-Charles Perrazi dans Ouest-France.

 

Record de participation tout d’abord. Une marée humaine d’au moins 5000 personnes a déferlé sur la commune. Pourtant les barrages de police s’étaient multipliés sur toutes les routes d’accès afin d’égarer les arrivants dans le réseau inextricable des chemins creux.

 

Record de grenades offensives. Un participant en a compté 85 tirées en salves comme pour le bouquet final d’un feu d’artifice.

 

Record d’humour et de spontanéité chez les manifestants.

 

15 heures : quatre escadrons de gendarmes sont déployés à Trogor. Dans le ciel la "mère poule" virevolte comme un gros moustique prêt à piquer.

 

15 heures trente : la foule s’avance lentement, très lentement. Les visières s’abaissent sur les casques, deux rangs de boucliers se soudent.

 

Soudain les rangs des manifestants s’écartent. On aperçoit d’abord une poussette déglinguée portant un panneau "mairie annexe". A l’intérieur le "registre d’enquête" : un vieux catalogue de papiers peints. Le "pilote" apparaît à son tour. Vieille capote militaire, écumoire sur la tête, pot d’échappement cabossé en guise de fusil lance-grenades. Derrière le nez rouge chacun a reconnu Jean Kergrist. Il n’a pas eu à installer aujourd’hui le décor de son T.N.P (son Théâtre National Portatif), les rangs serrés des gendarmes lui offrent le plus spectaculaire des fonds de scène.

 

16 heures : un cortège funèbre apparaît portant le cercueil de "Plogoff irradié". Au pied du calvaire de Trogor les vieux chants funèbres bretons s’élèvent.

 

Jean-Marie Kerloc’h a pris le micro. Autour de lui, des élus venus de toute la Bretagne :

 

"La manifestation de ce soir a une signification particulière, dit-il, elle symbolise six semaines de luttes... L’enquête se termine. Tout n’est pas fini pour autant. Nous sommes bien décidés à ne pas nous laisser faire".

 

Annie Carval est soulagée. Pas de drame pour le moment. Elle souhaite que "l’ambiance bon enfant qui régnait continue pendant toute la lutte". Elle le souhaite particulièrement pour ce dernier rendez-vous.

 

16 heures trente : encore une demi-heure. On a chanté, en breton, le chant des partisans. On a fait résonner le "Bro goz ma Zadou". On a repris en chœur le "Déserteur" version Plogoff. Tout le répertoire y est passé.

La bataille de Trogor.

 

16 heures 45 : les premières grenades.

"C.R.S qu’attendez-vous pour partir" lance une voix dans le Haut-Parleur.

 

16 heures 55 : "course de gendarmes parachutistes à travers les champs" notent Théo Le Diouron et Jean-Charles Perrazi (Ouest-France). "Pluie de projectiles. Des bouteilles incendiaires. Déluge de grenades. Des explosions qui ne cessent de se succéder. Celles des grenades offensives. Il y en aura 85 en tout. Et puis, ensuite, un calme étrange, après le départ des mairies annexes. Des milliers de personnes dans les derniers nuages de fumée dissipés par un vent violent semblaient sortir d’un mauvais rêve. L’enquête est terminée."

 

Guy de Lignières, journaliste à Ouest-France, a choisi de suivre la bataille du ciel. L’émotion est au bout de la plume.

 

"Les fumées lacrymogènes lèchent la lande rase. le vent emporte des fumerolles qui sortent du ventre de la terre. Des champs de Trogor fuse avec brutalité une lave grisâtre qui se dissout rapidement dans le ciel, bien avant de rejoindre les nuages.

 

Impressionnante Pointe du Raz. Un souffle d’épopée. Une fresque d’histoire d’aujourd’hui que la mer ronge sans fin, depuis toujours. Une mer sauvage contenue par de multiples criques, remparts de granit sur lesquels elle éclate et se brise. C’est la bataille des siècles. Chaque jour elle est gagnée par les gens de Plogoff.

 

Dans les champs de Trogor, de part et d’autre de la route, c’est la bataille des hommes, minuscules bonhommes.

 

Les uns avancent, en rangs serrés, par petits groupes, comme les légions romaines du "campus militaire" d’Astérix. Ils manœuvrent, tournent, contournent chaque maison du hameau, investissent les alentours, un parfait ensemble. L’art militaire comme dans les grandes écoles. Austerlitz, ça devait être un peu comme ça.
 

Les autres, les manifestants, sont épars autour du village. Ils courent dans tous les sens, semblent se perdre et se retrouver, se dispersent, escarmouches de tirailleurs isolés, accrochages furtifs, flux et reflux d’une fourmilière de grappes humaines escaladant muretins et chemins. Tout près, des vaches paissent, comme si rien ne se passait. Question d’habitude, sans doute, après 40 jours.
 

L’éclatement des grenades à effet instantané couvre le moteur de notre avion. Et nous sommes à 300m au dessus de la mêlée.
 

Quelques instants pour imaginer les bruits et les cris de la bataille. Pas besoin de trompettes guerrières...
 

Enfermé, coincé dans la carlingue de notre "Piper", je me sens d’une ridicule impuissance et presque honteux du grandiose spectacle qui se déroule sous mes yeux. En bas des gens s’affrontent, se tapent dessus, se jettent la haine et la révolte. En bas, c’est la lutte. Certains disent la guerre. Ce n’est pas du cinéma, en supervision. Je suis devenu un voyeur, j’ai envie de descendre, d’être là pour pouvoir témoigner au plus près, avec les risques du métier.
 

La colonne des mairies annexes s’ébranle sur la route de Pont-Croix ; les camions et les cars de policiers suivent. C’est la colonne d’une retraite vers un autre camp retranché où, tout à l’heure, la bataille reprendra, avant que les derniers paquetages ne soient définitivement bouclés. Une retraite après la bataille. Le soleil d’Austerlitz semble alors ne plus éclairer qu’un Waterloo, au moins celui d’une cohorte de soldats malades de Plogoff, peut-être aussi celui d’un Etat, "cyclope d’une puissance et d’une maladresse insignes, enfant monstrueux de la force du droit", prophétisait déjà Paul Valéry, le chantre du cimetière marin. J’ai froid dans le dos.
 

Le vent du large filtre dans notre avion.
 

A l’horizon, la mer et la terre, la terre et la mer. En bas, un cap qui ne dort pas."

 

Samedi 15 mars : la presse rend compte des dernières violences policières à Pont-Croix. Plusieurs centaines de manifestants s’étaient rassemblées devant le "petit séminaire" pour un dernier accueil aux gendarmes. Les gendarmes parachutistes décident de leur laisser un dernier souvenir. Les cibles sont choisies.

 

Des manifestants d’abord matraqués à terre avec une sauvagerie déchaînée. Deux blessés doivent être transportés dans un état grave à l’hôpital de Douarnenez. L’un d’entre eux a la pommette enfoncée et une fracture au-dessus de l’arcade sourcilière.

 

Des journalistes ensuite.

 

Un reporter de France-Inter, d’abord. Réfugié à l’intérieur de la caserne il a le malheur d’être présent au moment où des gardes mobiles traînent sur le macadam un manifestant gravement blessé. On le fait dégager à coup de matraque. Il porte plainte pour coups et blessures volontaires dès le lendemain.

 

Un photographe du "Télégramme" ensuite. Il photographie la scène et subit le même sort.

 

La veille, à Plogoff, les forces de l’ordre avaient déjà tiré sciemment deux grenades lacrymogènes sur un groupe de journalistes situés à six mètres et dont le seul tort était de les regarder s’embarquer.

 

Les syndicats de journalistes protestent. De même la rédaction du "Télégramme".

"Cet incident après bien d’autres montre qu’en certaines circonstances les gendarmes mobiles ne savent pas garder leur sang-froid. Le maintien de l’ordre impose parfois des actions violentes. On regrettera toutefois que les hommes de service à Pont-Croix en soient arrivés à un tel degré d’aveuglement qu’ils confondent un magnétophone ou un appareil photographique avec un cocktail molotov. Il est vrai qu’en attaquant deux hommes désarmés ils prenaient moins de risques." (Le Télégramme)

 

On annonce des blessés également à Paris. Le "comité de soutien à Plogoff" - qui regroupe le Mouvement d’Ecologie Politique (MEP, l’un des mouvements qui fonderont les Verts), le PSU, l’organisation communiste libertaire ainsi que plusieurs organisations bretonnes - a rassemblé 2000 manifestants à la gare Montparnasse. La fin de la manifestation donne lieu à une charge de CRS jusque dans les bouches de métro. Bilan : 20 arrestations, 9 blessés dont deux graves.

Raz de marée humain sur la Pointe du Raz.

 

Dimanche 16 mars : le temps est splendide. Dès 11 heures tout est prêt sur le parking de la Pointe du Raz. Les stands d’information des Clin, les buvettes, les crêperies, les stands du Groupement Foncier Agricole où on peut encore acheter des parts du GFA, les tentes pour la projection des films, les estrades pour les sonneurs et les chanteurs.

 

Dès le début de l’après-midi on sent que le rassemblement aura une dimension gigantesque. Rapidement, à plus de 15km de la Pointe, la circulation commence à s’engorger. A 5km on ne peut déjà plus stationner. La circulation piétonne, elle-même, n’est pas fluide. Ceux qui arrivent se heurtent à ceux qui repartent. 50 000 personnes, au bas mot, seront venues sur le site.

 

Certains sont passés par les lieux des affrontements. A Trogor une pancarte rappelle que "Ici ont eu lieu les combats pour que le Cap vive libre". Nous ne l’avons pas encore signalé mais Trogor était aussi l’atelier d’un sculpteur empêché de travailler pendant six semaines et témoin obligé de tous les évènements. Le visiteur qui passe aujourd’hui à Trogor ne peut manquer d’y remarquer, taillée dans le granit, la statue d’un adolescent à la fronde tendue.

 

La fronde est bien le symbole de la lutte. les Clin ont installé un décor représentant un manifestant la fronde à la main. Un trou est laissé libre pour la tête. Chacun peut y glisser son visage et partir avec la photo souvenir.



Le Fest-Noz du soir, au bourg, est mémorable.

 

Alan Stivell a ouvert le bal, à peine débarqué du train de Paris et obligé de le reprendre quelques heures plus tard. Il tenait absolument à être là. Pas de discours, pas de déclaration. Juste quelques morceaux traditionnels joués au biniou et deux chants en breton dont l’un rappelant la résistance des irlandais face à l’envahisseur anglais. Juste quelques pas de danse avant le départ vers une capitale bien éloignée des préoccupations de Plogoff.

 

Après lui, "Sonerien Du" et Dan ar Braz entraînent les groupes présents dans un rythme d’enfer. Qui a déjà participé à un fest-Noz peut imaginer quelle fête a été vécue ce soir là.

 

Pourtant chacun sait que demain, encore, sera une dure journée. Le procès interrompu des "neufs otages" pour cause de condamnation de leur avocat doit reprendre au tribunal de Quimper.

Quimper : libérez nos camarades.

 

Lundi 17 mars : le procès, donc, reprend.

La fête de la veille a permis la mobilisation. 6000 personnes sont venues soutenir les inculpés. Le Palais de Justice est bien gardé. Pour franchir le cordon de CRS qui le ceinture derrière des barrières mobiles, il faut montrer "patte blanche". Dans la salle d’audience seront seuls admis les journalistes, les avocats venus en observateurs et 30 personnes choisies parmi les proches des inculpés.

 

Les Clin et Comités Plogoff ont de leur côté décidé de tout faire pour éviter l’affrontement. Malgré le risque permanent, aucun dommage grave n’est encore à déplorer. Il faut tenir jusqu’à ce soir. Maintenir la pression par une présence résolue sans répondre à la provocation.

 

Le Palais de Justice borde l’Odet, la rivière de Quimper. Les manifestants sont invités à se regrouper sur l’autre rive. Des services d’ordre débonnaires ont été mis en place au niveau de chaque pont.

 

Ce n’est pas facile. Dès le début de l’après midi il a fallu expulser un groupe photographiant tout ce qui passait à sa portée. Des policiers en civil. En un mois et demi d’enquête les militants ont eu le temps de se connaître et sont capables de repérer rapidement le nouveau venu aux manières peu orthodoxes. Ce noyautage policier, cependant, rend nerveux.

 

Dans la salle d’audience l’ambiance s’est calmée. Le réquisitoire du procureur n’en est pas moins violent. Plogoff a refusé de se soumettre aux lois nationales, il faut punir Plogoff. "N’oubliez pas, dit-il, que l’action violente a été décidée par le maire de Plogoff et les comités de défense". Les coupables - Jean-Marie Kerloc’h, le maire, et Annie Carval, la présidente du comité de défense - sont dans la salle et ils ont reconnu leur commune responsabilité. Va-t-il demander qu’on les arrête sur le champ ? Cela aurait du panache ou, au minimum, du sens. Il se contentera prudemment des otages pour lesquels il demandera des "peines d’emprisonnement dissuasives".

 

Les avocats n’ont aucune peine à faire de brillantes plaidoiries. Me Riou, le quimpérois n’hésite pas à qualifier d’absurde le réquisitoire du procureur.

"Seriez vous, Monsieur le procureur, le seul à ne pas vouloir considérer ce que tout le monde a vu ? Cela ne peut que contribuer à conforter les soupçons de complicité de la justice avec la police"

 

Son confrère, Me Mignard, en rajoute.

 

"Est-ce parce qu’il est procureur qu’il a le droit de décider ce qu’est le bien et le mal ? Nous souhaitons une justice courageuse, à côté des faibles, des opprimés, une justice chaude, généreuse, à l’avant-garde de la condition humaine...
En d’autres âges, la liberté était du côté de ceux qui portaient des pierres contre ceux qui portaient des fusils. Aujourd’hui M. le Procureur est du côté de ces derniers, nous du côté de ceux qui ont des pierres. En dehors des robes que nous portons, il y a entre nous plus que l’accusation et la défense.
Soyez surs que les barricades de Plogoff, c’est un clin d’œil à notre histoire. Méfiez-vous de la mémoire qui revient.

Quelle que soit votre décision, Plogoff a gagné."

 

Me Choucq peut reprendre sa plaidoirie où il l’avait laissée. Oui, le procureur a raison d’affirmer que Jean-Marie Kerloc’h, et avec lui les inculpés, ont accepté la confrontation violente imposée par l’état, mais là est son honneur. Plogoff est aujourd’hui symbole de liberté. "Ne soyez pas ceux qui confondent la justice et l’ordre. Soyez des juges de paix qui rendrez à Plogoff et à la Bretagne ceux qui sont ici devant vous aujourd’hui" plaide-t-il.

 

Me Leclerc est incisif. "L’essentiel est de savoir pourquoi la violence naît dans notre société. Elle naît quand elle devient le cri de ceux qui ne peuvent plus parler". Puis s’adressant aux inculpés :

 

"Ne regrettez pas vos quinze jours de prison. Si vous n’étiez pas ici, la France ne saurait pas qu’il y a des gens qui se battent pour leur Pays".

 

Après 2h45 de délibération, un seul inculpé est relaxé. Les peines des 8 autres s’étalent entre quinze jours de prison avec sursis et un mois ferme. Mais tous sont immédiatement libérés.

 

Dans la salle la joie explose : "on a gagné, on a gagné". Sur les quais, ils ne seront pas nombreux à entendre la bonne nouvelle. Depuis plusieurs heures déjà, la bataille fait rage.

 

Jusqu’à 19 heures, les services d’ordre des Clin sont parvenus à convaincre les manifestants qu’il valait mieux laisser l’Odet entre eux et les CRS. Les slogans, simplement adaptés à la situation, "libérez les otages" ou encore "CRS au mazout", pouvaient suffire à créer l’ambiance en attendant la fin du procès.

 

Mais c’était compter sans la volonté d’en découdre des forces de police. A peine quelques pierres volent-elles à travers l’Odet à l’autre extrémité des quais, loin du palais de justice, que les canons à eau entrent en action. Comme à un signal les CRS groupés devant le palais franchissent les ponts.

 

Les premiers rangs des manifestants se soudent les coudes. Quelqu’un lance un chant. On reconnaît "Keleier Plogo", la complainte de Plogoff, récemment écrite par Denez Abernot et chantée par le groupe Storlock. Le chant court le long de la chaîne qui ondule lentement au rythme des paroles. Les CRS, un moment surpris, marquent le pas. Ceux qui avaient commencé à fuir s’arrêtent suffoquant déjà dans le brouillard des grenades tirées du quai opposé.

 

Soudain c’est à nouveau la charge, rapide, violente. "Une violence inacceptable" écrira J.Auger dans Ouest-France, "certains gardes mobiles et CRS agissant comme s’ils voulaient régler leurs comptes. Nous avons vu, pourtant, des gradés leur crier : "Ne tapez pas, ne tapez pas".

 

Le bilan des affrontements est d’une dizaine de blessés dont plusieurs journalistes. Deux manifestants sont grièvement blessés aux yeux par un liquide qui se révèle être du bromate d’éthyle. Ce produit extrêmement dangereux avait déjà occasionné des dégâts dans les années 68, on le croyait retiré de l’usage des forces de police.

 

Le commissaire Morinaux, responsable du maintien de l’ordre affirme ne pas avoir utilisé de tels engins. Dans ce cas faudrait-il croire que certains CRS se seraient livrés à une justice privée ? Une institutrice quimpéroise témoigne avoir bien vu attachée à une grenade, "une ampoule se briser au sol, libérant un liquide qui a formé deux traînées sombres sur le trottoir" et qui occasionnait "une brûlure terrible ne permettant pas de rester plus que quelques secondes au-dessus de cette coulée."

 

Grenades offensives, liquides corrosifs... Plogoff aura, aussi, été un terrain d’exercice.

Premier bilan.

 

27 mars. Le temps a ramené la sérénité à Plogoff. Dans la presse, sur les ondes et dans les bureaux administratifs on parle à nouveau de la centrale comme d’une chose acquise. Il se dit que le "Monsieur Nucléaire" de Plogoff a déjà été désigné. Jean-Marie Kerloc’h et Annie Carval pensent le moment venu d’un premier bilan.

 

Ils assument pleinement la responsabilité des évènements passés. Non, les jeunes lanceurs de pierres n’étaient pas des "éléments étrangers venus de l’extérieur" comme les médias se sont employés à le répéter, "ce sont des jeunes, beaucoup de jeunes, de la région qui nous ont apporté leur appui. Nous leur avons toujours demandé de rester calmes et cela ne s’est pas trop mal passé puisqu’il n’y a pas eu d’actes répréhensibles commis... pourtant, à cause des provocations d’en face il n’a pas toujours été facile de calmer les nôtres" a tenu à préciser le maire.

 

Chacun respire : malgré le risque permanent, aucun blessé grave n’a été à déplorer.

 

Leur programme dans l’immédiat ? Répondre aux invitations qui viennent de partout. L’agenda d’Annie Carval est déjà bien rempli : Longwy, Rouen, Paris, Montreuil et les communes de la périphérie (pendant une semaine), Angers, Querrien, Arzano, Poullaouen, Carhaix, Le Mans, Morlaix, Ploumoguer, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Poitiers, la Suisse. Du 8 au 11 avril, ils seront sur le Larzac pour préparer la venue des moutons au moment de la Pentecôte qui sera l’occasion d’une nouvelle fête.

 

Jean-Marie Kerloc’h, à nouveau, trouve le mot qui fait mouche :

 

"Toute la France nous regarde et nous dit bravo, on ne peut pas baisser les bras"


 

PLOGOFF, une victoire contre le nucléaire. Le livre.

Plogoff a gagné ! En moins d’une seconde la joie explose, dans le local de Radio-Plogoff, en ce 10 mai 1981.

Pour la première fois, une résistance de cinq ans, marquée par les affrontements de six semaines d’enquête publique, a fait reculer le colosse EDF et le lobby nucléaire.

Près de 25 ans plus tard un livre, "Plogoff, un combat pour demain" retrace les étapes essentielles de cette lutte.
Il nous mène à la Pointe du Raz mais il s’inscrit également, de Malville au Larzac, dans le contexte des luttes menées en France dans les années 1970/1980.

Il parle de Three mile Island, de Tchernobyl et des risques que nous fait courir la dissémination nucléaire.

Il parle de l’effet de serre, du réchauffement climatique et rappelle l’espoir né à Plogoff d’expérimenter, à une échelle locale une politique d’économie d’énergie et de développement des énergies renouvelables.

Il rappelle les promesses non tenues et les 20 années perdues.

Ecrit, avec une volonté narrative, c’est un travail de mémoire qui, au-delà du mythe de Plogoff, cherche à situer les responsabilités politiques d’hier et d’aujourd’hui au moment où le gouvernement français relance la politique de dissémination nucléaire de la France au travers des centrales EPR (European Pressurised Réactors).

Venue trop tard, la victoire de Plogoff, malgré la solidarité active apportée aux autres sites, n’a pas permis d’infléchir le premier programme nucléaire français. Puisse l’expérience de cette lutte aider, aujourd’hui, ceux qui, à Flamanville et ailleurs reprennent le flambeau.

Voir aussi : affiches et auto-collants de la lutte de Plogoff

L’auteur :

Gérard Borvon a été l’un des participants actifs de la lutte contre l’installation d’une centrale nucléaire en Bretagne. Il a, en particulier été l’un des rédacteurs du journal "NUKLEEL ?", le journal de la coordination des Clin (comités d’information nucléaire). Il en a conservé une abondante documentation.

Contact :

Gérard Borvon 20 rue des frères Mazéas 29800 Landerneau.
Tel. : 02 98 85 12 30

On peut commander le livre "Plogoff, un combat pour demain" :

en adressant un chèque de 19 euros (15 euros+ 4 euros de port) à : Gérard Borvon 20 rue des frères Mazéas 29800 Landerneau.



 

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